21.2.13

analogies

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  En février 2012, j'étais conduit à relire Le Mont Analogue, un livre depuis longtemps essentiel à mes yeux. J'y ai vu un schéma fibonaccien, publié en mars, peut-être un fantasme dû à ma lubie dorée, mais quelques jours après cette publication j'apprenais la mise en vente d'un document inconnu de la main de Daumal, un document où j'ai peut-être été le premier à reconnaître divers calculs autour de la suite de Fibonacci et du nombre d'or.  J'ai alors googlé Daumal Fibonacci, pour voir si quiconque aurait déjà envisagé un rapprochement entre Daumal et Fibonacci, sans résultat.
  J'ai relancé la même recherche le 28 octobre dernier, pour voir si ma publication avait reçu quelque écho dans la blogosphère, et il y avait cette fois un résultat autre que le simple hasard d'une juxtaposition de deux éléments sans rapport direct, mais qui ne me devait rien.
  12 artistes de divers pays ont donc créé le blog nommé Analogue Narratives, où ils ont publié du 15 décembre 2010 au 12 août 2012 une continuation du roman de Daumal, sur le principe du cadavre exquis (ou verbal corpse), en 27 chapitres contenant de nombreuses illustrations ainsi que des documents sonores.
  A mon humble avis, si les artistes semblent être reconnus dans leurs domaines propres, les textes sont plutôt faiblards, mais ceci serait à voir au cas par cas car je me suis surtout intéressé aux contributions du new yorkais Mark Bloch, lequel a fait intervenir la suite de Fibonacci dans le récit.
  Ceci se passe essentiellement au chapitre 17 (avec quelques occurrences de Fibonacci chapitres 9-20-21), et c'est au cours de ce chapitre que tomberait la section d'or des 27 chapitres (16.69).
  Ce chapitre couvre les jours du 20 janvier au 5 février 2011, et c'est le 31 janvier que Mark s'avise que des feuilles se détachent de son carnet de notes, et qu'il s'y forme des nombres, 0, 1,1, 2, 3, 5, 8, 13..., la suite de Fibonacci.
  Voici l'une des illustrations de son texte, où apparaissent les Fibos d'ordre 12 à 31, 144 à 1346269; l'autre est plus déformée.

  Une membre du groupe des 12, Susan Shulman, a fait une vidéo de 5:05 à partir des illustrations du blog. Je remarque que les montages Fibo de Mark Bloch y apparaissent au temps 3:03, soit à un frappant 3/5 de la vidéo. Je rappelle que Phil Dick (= 45/27 = 5/3) voyait en 3-5 le premier couple fibonaccien significatif.

  Une curiosité supplémentaire est que Bloch donne 36 nombres de la suite, de F0 (0) à F35 (9227465). Le blog a donc été terminé en août 2012, et n'était peut-être pas auparavant ouvert à tous, explication la plus simple au fait que je ne l'ai pas découvert plus tôt.
  J'expliquais ici comment, le 28 août 2012, j'ai découvert la maquette du Mont Analogue de Caroline Bonhomme, étudiante en arts graphiques, et le roman Le dernier homme bon, où les 36 Justes de la tradition juive meurent étrangement les uns après les autres.
  Il y avait possibilité de rebond car les 36 Justes étaient clairement répartis en 34 personnalités reconnues de tous pour leur action humanitaire et 2 obscurs policiers, précisément ceux qui enquêtent sur l'affaire et qui restent seuls survivants après la mort des 34 autres, dont seuls 21 ont été identifiés. Je retrouvais ici le partage Fibo de 34 en 21 et 13, essentiel dans mon schéma et privilégié par Daumal dans le document.
  Je rappelle qu'en mathématiques une série additive de type Fibo est définie par ses deux premiers termes F0 et F1 (soit 0 et 1 dans le cas de la "vraie" suite de Fibonacci).

  Par ailleurs les localisations des 36 Justes, ou plus exactement des lieux où ils trouvent la mort, sont déterminées à quelques dizaines de mètres près par la superposition des couches électroniques de l'élément 36, le krypton, à la Rodinia, l'état primitif de la Terre lorsque tous les continents étaient soudés. Ceci peut rappeler les calculs du père Sogol pour déterminer l'emplacement du Mont Analogue.

  Voilà à peu près à quoi se serait limité mon billet si je l'avais publié avant le 8 février, où a débuté la seconde saison de la série Touch, dont j'ai commenté les deux premiers épisodes en mars dernier, juste après mon premier billet sur Daumal, sans motivation autre que temporelle.
  Je rappelle que la série tourne autour de Jake Bohm, gamin qui ne parle pas mais perçoit l'harmonie cachée du monde sous forme de nombres, ce qui lui permet d'indiquer à ses proches comment agir au mieux dans diverses situations. Chaque épisode de la première saison met en scène plusieurs cas dans divers pays, reliés par un nombre perçu par Jake, avec le plus souvent la plus complète gratuité. Par ailleurs on apprenait peu à peu que les nombres perçus par Jake répétaient la "Suite d'Amelia", autre enfant prodige présumée morte.
  Une mystérieuse compagnie californienne, Aster Corps, s'intéresse à Jake, ce qui conduit son père Martin à s'enfuir avec Jake, le nombre 4370 perçu par Jake les conduisant par le car 4370 à Los Angeles, où ils rencontrent la mère d'Amelia, certaine que sa fille est toujours en vie.
  J'avais oublié qu'un juif hassidique ami de Martin supputait que Jake et Amelia faisaient partie des fameux 36 Justes de la tradition juive, et qu'ils avaient conscience de leur état. Ceci semble devenir plus important dans la seconde saison, où apparaît une nouvelle intrigue parallèle : un mystérieux tueur, Guillermo Ortiz, à la gorge barrée d'une cicatrice, exécute dans chaque épisode une personnalité, d'un coup de poignard à la gorge, à l'endroit exact de sa cicatrice...
  Il apparaît que Guillermo a entrepris d'éliminer les 36 Justes, et qu'il le fait en relation avec la Suite d'Amelia, dont il se tatoue un élément sur le bras lors de chaque meurtre. Par ailleurs ce tracé de sa main suggère que les Justes pourraient comme dans Le dernier homme bon être répartis dans le monde selon une certaine logique mathématique, ici selon une spirale :
  Ce ne sont probablement pas des coïncidences, puisque les scénaristes ont fort bien pu lire le bestseller danois, et s'en inspirer. Où la curiosité commence est que rien dans le roman n'indiquait une intention fibonaccienne des auteurs, où le nombre 34 apparaissait comme découlant du nombre 36 traditionnel des Justes, car il était impérieux d'avoir 2 Justes de statut particulier, pour qu'après la mort de l'un d'eux l'autre comprenne qu'il est le dernier, et trouve le moyen de conjurer la malédiction. Le partage des 34 autres Justes en 21 identifiés et 13 non me semble involontaire, comme les autres coïncidences exposées sur le billet dédié.
  En revanche la série Touch accorde une grande importance au nombre d'or, proportion essentielle de l'univers selon les premiers mots de l'épisode pilote, et aux nombres de Fibonacci, dont Jake remplit des cahiers entiers. Ci-dessous une image promotionnelle, inversée afin qu'on puisse lire sans effort les nombres supposés écrits par Jake de l'intérieur, tous des Fibonacci, avec un certain avantage aux nombres 13-21, voir par exemple la ligne au-dessus du montant de la baie vitrée,
3 5 8 13 21 13 21
  On peut imaginer que Guillermo parvienne à éliminer les 34 Justes autres que Jake et Amelia, destinés à se rencontrer à la fin de cette saison 2. L'épisode 2.3 révèle que Guillermo tuait déjà des Justes 4 ans plus tôt, si bien qu'il est possible que le meurtre du 2.2 soit le 34e... Il semble au moins acquis que Jake et Amelia aient un statut particulier, analogue à celui de Niels et Tommaso dans Le dernier homme bon. Les voici au début d'une spirale sur une autre image promotionnelle, en compagnie des autres personnages essentiels de cette saison 2, le dernier étant Guillermo, interprété par un acteur français :
  Je ne suggère aucunement que les scénaristes de Touch aient planifié ceci consciemment, tant l'intervention des nombres y semble gratuite. Je me borne à remarquer que Fibonacci est ici explicitement contextuel, alors qu'il n'en était rien dans Le dernier homme bon.

  Et puis il y a les coïncidences temporelles avec mes recherches, que je vais tenter de résumer :
- mars 2012 : je publie le 16, anniversaire de Daumal, le résultat de mon étude fibonaccienne du Mont Analogue, grâce à Laurent qui a rappelé Daumal à mon souvenir, Laurent qui m'a aussi signalé le début de Touch en janvier, auquel je consacre un billet le 18 car le nombre clé de l'épisode est 318 (18 mars à l'anglaise). Ces messages des 16-18-03 rappellent les premiers chiffres du nombre d'or, 1.6180339... Fin mars dp m'apprend la vente sur eBay du document Daumal
- août 2012 : dp me signale le projet daumalien de Caroline Bonhomme, tout juste mis en ligne, le jour même où je découvre Le dernier homme bon, paru en juin au Livre de Poche. C'est aussi en août qu'est achevé le blog Analogue Narratives, faisant intervenir la suite de Fibonacci au Mont Analogue, mais je ne le découvrirais qu'en octobre.
- février 2013 : début de la seconde saison de Touch le 8 aux USA, où un rebond fait intervenir l'élimination systématique des 36 "hommes bons", alors que j'envisageais que ma prochaine publication soit le billet sur Analogue Narratives, débuté en novembre.

  Il y a une "touche" encore plus personnelle. Le brouillon de ce billet avait pour identifiant (postID) 1462148210652914370, nombre dont les premiers chiffres 14 et les derniers 4370 me rappelaient le Prélude-Fugue 14 du second volume du Clavier bien tempéré, en 43-70 mesures, couple doré qui appartient encore à la Série Rouge du Modulor. Il y a encore quelques mois, je choisissais pour mes billets des heures et jours de publication significatifs, ce qui impliquait avec l'ancienne interface de Blogger de débuter les brouillons des billets aux moments désirés.
  Je n'avais aucun pouvoir sur l'identifiant, nombre de 19 chiffres totalement aléatoire, sinon celui de débuter plusieurs brouillons à la minute voulue, et de choisir ensuite le plus significatif. Cet enfantillage n'a plus de raison d'être depuis septembre dernier, où l'ancienne interface a été définitivement abandonnée. La nouvelle permet de choisir le moment "officiel" de publication, quel que soit le moment effectif.
  Ainsi je n'ai absolument pas choisi l'identifiant du billet en fonction de son contenu, or il se trouve que 4370 était le 12e nombre de la Suite d'Amelia, celui qui entraînait Martin et Jake vers Los Angeles; c'est aussi le 12e et dernier nombre de cette liste de cars, où je remarque celui pour Palm City, qui lu 44-61 me rappelle la dernière tranche de la vie de Jung, du 4/4/44 au 6/6/61 :
  Ce nombre s'y lisait aussi 4/3/70, soit le 3 avril 70, date de naissance de la mère de Jake, Sarah Bohm, victime de l'attaque du 11 Septembre sur le World Trade Center.

  Je connais cette date. Dans La dernière femme de sa vie (1970), d'Ellery Queen, John Benedict III est enterré le vendredi 3 avril d'une année non précisée mais que la logique indique être 1970. Ce qui est certain est que ce fils de charpentier a été assassiné le dimanche précédent, 29 mars, qu'un indice crucial donné dans un roman publié 3 ans plus tôt indique être celui de Pâques, ce qui était le cas en 1970.
  Je n'y insiste pas, ayant déjà exploré les constructions pascales chez Queen, la plus remarquable étant celle de Et le 8e jour... couvrant exactement la semaine pascale de 1944. Si je ne suis pas le seul à avoir débusqué les Easter eggs chez Queen, les études fibonacciennes dans son oeuvre semblent être mon seul apanage. Elles ont marqué un tournant essentiel dans ma recherche.
  Si l'intentionnalité des structures Fibo dans l'oeuvre de Queen reste une question à laquelle je me garde de répondre, elle est acquise pour la série Taken (2002) où le 7e épisode, L'équation de Dieu, décode les manifestations d'OVNIs selon la suite de Fibo (la Suite d'Amelia est aussi appelée "Suite de Dieu"). Dans le 4e épisode, un crop circle découvert au matin du 4 avril 70 passe un temps pour une manifestation ET décisive, avant d'être révélé un canular.
  Il a donc été tracé la nuit du 3 avril, jour de la naissance de la mère d'un héros d'une autre série TV fantastique. Il y a d'ailleurs un point commun entre les deux séries, les commentaires en voix off de leurs jeunes personnages essentiels, Allie dans Taken, la fille de deux contactés, aux pouvoirs exceptionnels, Jake dans Touch.

  La spirale est un motif omniprésent dans Touch, supposé lié au nombre d'or, alors que c'est loin d'être le cas pour toutes les spirales. J'ai déjà signalé ma stupéfaction devant la dernière vignette des Murailles de Samaris (1983), la première des Cités obscures de Peeters et Schuiten, où la terre en bas de la carte est plus tard (1996) identifiée à l'île du Mont Analogue.
  Ce même fragment de carte réapparaît en 2002 au début de La frontière invisible, le 8e album du cycle.
  Le pataphysicien ne peut s'abstenir de penser à la spirale en couverture du Grand Jeu, elle-même issue de la gidouille du Père Ubu.

  Comme d'habitude, j'ai laissé de côté des analyses numériques que je sais indigestes pour certains. Ainsi le nom de jeune fille de la mère de Jake est doré :
SARAH KELSEY = 47/77
  C'est aussi le cas de la dernière victime connue du tueur de Justes :
ROSEMARY MATHIS = 114/70
  Ce pourrait être sa dernière victime, sinon sa 34e, et le dernier "homme bon" du thriller danois a aussi un nom doré :
NIELS BENTZON = 59/96
  Cette architecte est tuée à Barcelone, où j'ai découvert récemment dans un roman les adresses du couple Marlasco, aux numéros 13 et 21 de deux voies de la ville, et il y a trois ans le carré magique de la Sagrada Familia, aux harmonies dorées correspondant à un étrange personnage.

  La victime précédente du tueur de Justes était un musicien belge, Frederick Le May. Après l'avoir égorgé, Guillermo déniche la partition de son concerto, et y inscrit les chiffres de la Suite d'Amelia sous les notes de la basse (en clé de fa) :
  Je remarque que les chiffres du premier nombre, 318 nombre clé du 1er épisode de la saison 1, correspondent aux notes fa-la-ré, F-A-D selon la notation anglaise, et que selon les rangs des lettres :
F.A.D = 6.1.4 = 3.1.8 = 24
  Il est curieux que 24 soit précisément le nombre clé de ce 1er épisode de la saison 2, et qu'il y désigne selon le même principe l'appartement 2D, mais je doute que les scénaristes aient eu recours à une telle sophistication, et il peut pour une fois y avoir une raison au choix du nombre clé, car l'épisode marque le passage des Bohm de New York à Los Angeles, où semble s'installer la saison 2 (la spirale du tueur de Justes passe d'ailleurs par la Californie); Kiefer Sutherland y a connu la gloire avec son rôle de Jack Bauer dans la série 24 (en VO, 24 heures chrono en France).

  Je remarque aussi l'apparition du nombre 24 juste après 4370 alors qu'un des 24 Prélude-Fugue du second recueil du Clavier Bien Tempéré est en 43-70 mesures, et que j'ai vu une particularité des préludes hcaB dans les deux recueils épeler une signature inversée.
  Le 21 février dernier, il y a un an tout juste, je rencontrais ma première voiture BACH, et c'était une BA-024-CH.


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