23.5.18

la théorie des signes de vie


  Quelques lectures récentes.
  Un pavé de mai était Signe de vie, de JR Dos Santos, un émule portugais de Dan Brown, dont le héros, Tomas Noronha, est comme il se doit professeur de cryptologie.
  J'avais commenté ici son premier succès, La formule de Dieu, intéressant par sa comparaison avec un autre roman où est recherchée une ultime formule laissée par Einstein. Dans les deux romans le secret était lié à la lumière, or en hébreu, et le nombre d'or était présent, anecdotiquement chez Dos Santos, au premier plan dans l'autre roman.

  Les romans de Dos Santos semblent calqués sur ceux de Brown, chapitres courts se terminant très souvent par un climax, ce qui permet de débuter le chapitre suivant par un rappel d'une dizaine de lignes, et augmenter artificiellement la taille du pavé. Ceci devient horripilant quand on dépasse la centaine de chapitres, surtout lorsque les climax sont de purs artifices.
  Les romans des deux auteurs débutent aussi par un avertissement du genre Toutes les informations scientifiques présentées dans ce roman sont vraies. Si pour Dan Brown, "vraies" signifie "trouvées sur le web", il m'avait semblé que Dos Santos était mieux documenté, et la vulgarisation des théories physiques présentée dans La formule de Dieu recoupait ce que j'avais lu ailleurs.

  Je n'ai pas attendu la parution en poche pour lire Signe de vie, car son thème m'intéressait au plus haut point. Dos Santos y imagine que les radiotélescopes du projet SETI viennent de capter un signal venu de l'espace, sur la même fréquence que le réel signal dit "Wow!" en 1977.
  Wow! est le commentaire fait par l'astrophysicien JR Ehman dans la marge des résultats du 15 août 1977, où un signal puissant est apparu sur la fréquence 1,42 GHz, précisément la fréquence sur laquelle on s'attend à recevoir d'éventuels signaux de civilisations extraterrestres, je passe sur le pourquoi.
  Le radiotélescope qui a capté le signal bouge en permanence, et 6EQUJ5 correspond à la croissance et à la décroissance du signal pendant les 72 secondes où il était dirigé vers un secteur de la constellation du Sagittaire (selon un code allant de 1 à 9 puis de A à Z). Comme le résultat n'a été observé que quelques jours plus tard, il a été impossible d'obtenir d'autre précision concernant ce signal exceptionnel qui n'a pas eu d'équivalent depuis, et dont aucune tentative d'explication n'a trouvé de consensus.

  C'est un bon point de départ pour un roman, et Dos Santos a imaginé la réception d'un nouveau signal sur cette fréquence 1,42 GHz, en provenance d'un objet en mouvement vers la Terre, mais cette fois le signal est continu et porteur d'un message, 42 chiffres se répétant en boucle, qui ne sont autres que les premiers chiffres de Pi dans le système décimal, 3141592653589...
  Pourquoi Pi? parce que c'est en principe une constante universelle.
  Pourquoi 42? Je m'attendais à ce que le cryptologue s'aperçoive que le message impliquait d'ajouter un signe, la virgule après 3, pour obtenir la réelle constante, et que ces 42 symboles en impliquant 1 autre étaient une allusion à la fréquence 1,42 qui les transmettait.
  Non, c'est un autre personnage, l'astrophysicien Seth Dyson, qui prétend avoir effectué le calcul, et trouvé que ces 42 premiers chiffres "permettent d'établir avec une précision millimétrique le périmètre d'un cercle qui couvre la dimension de tout l'univers visible à partir du rayon d'un électron" (page 205).
  Selon un réel astrophysicien (Gef), cette formulation est fort sujette à caution, et "précision millimétrique" signifie ici "très précis" et non "au millimètre". Le fait réel probablement visé est qu'il y a effectivement un facteur d'environ 1042 entre le rayon classique de l'électron, 2,8 x 10-15 m, et le périmètre actuel de l'univers observable, environ 2,8 x 1027 m, en constante croissance.
  De toute manière, un scientifique n'utiliserait pas ceci pour communiquer avec d'autres scientifiques, ce rapport entre les deux grandeurs étant anecdotique. Je pourrais imaginer que l'auteur ait pensé au 42 de Douglas Adams, mais ceci discréditerait tout le discours à prétention scientifique qui occupe au moins les trois quarts du livre.

  Il n'y a de toute façon pas besoin d'aller beaucoup plus loin pour trouver des aberrations, car dès la page 207 on trouve
Par exemple, si nous choisissons deux nombres entiers, la probabilité que ces deux nombres entiers soient premiers est de six divisé par Pi au carré. Qu'est-ce que Pi a à voir avec le choix aléatoire de nombres premiers? C'est incompréhensible!
  Or, d'une part, s'il existe bien certain "théorème de Cesaro" qui donne ce résultat, il touche des nombres premiers entre eux, ce qui est tout à fait différent, et, surtout, ce "théorème" est contesté, ce que je découvre aisément sans être mathématicien (mais Gef me dit qu'il est exact, et il a certainement raison).

  Il est possible que certaines de ces aberrations viennent d'erreurs de traduction, mais tout cela reste quand même bien approximatif. Le chapitre 34 vient me conforter dans mes doutes, car Noronha y avance que le nombre d'or pourrait être un autre moyen de communiquer avec une intelligence extraterrestre, car ce serait un facteur d'harmonie présent dans tout l'univers. Et tout le folklore de bas étage y passe, Léonard de Vinci et Phidias, la suite de Fibonacci miraculeusement présente dans le monde végétal (ce qui pouvait effectivement être vu comme miraculeux jusqu'aux expériences qui l'ont parfaitement expliqué).

  Il y a d'ailleurs de sérieux problèmes de traduction dans ce livre, où je relève notamment, bien qu'ayant sauté bien des paragraphes:
page 299: Einstein a déclaré que Dieu ne jouait après aux dés.
page 535: Et ce qu'ils voyaient était un invraisemblable.
  Je trouve pour ma part invraisemblable qu'une intelligence humaine ait pu commettre ces bourdes, et je soupçonne l'utilisation d'un logiciel de traduction, suivie d'une vérification sommaire.  

  Enfin Quaternité n'est pas le lieu de l'analyse des dérives de l'édition des best-sellers, et cette aventure de Noronha est tout de même bien plus intéressante que les trois précédentes parutions françaises de Dos Santos.
  Si je commente Signe de vie, c'est pour ses coïncidences avec ma démarche, et d'abord ceci.
  En mars 2017, j'ai publié le billet Wow! dont le titre venait de la grille 9x9 publiée en 2005 par Cyril Epstein, où il m'avait semblé très significatif de trouver en colonnes les lettres WOW et AMAN. Je n'y reviens pas, et invite à se reporter à ce billet.
  Wow était pour moi une forme de la lettre hébraïque waw, effectivement courante, et la vérification de son usage m'avait fait découvrir le signal "Wow!". J'avais noté que ce signal était apparu un 15 août, date mariale, alors que la grille de Cyril est aussi marquée par son intérêt pour les apparitions mariales, et que son découvreur se nommait Ehman (אהמן en hébreu), à rapprocher de Aman (המן en hébreu, qu'on transcrit aussi Haman).

  Une autre curiosité de la grille de Cyril était sa colonne centrale, où j'ai vu l'anagramme de NOM PRENOM, ce qu'il m'a assuré n'avoir pas été intentionnel. J'ai représenté ci-contre cette colonne en gras, alors que la seule accentuation de la grille publiée était son M central.
  En juin 2017, j'étais conduit à rouvrir le Ferrocarril de Santa Fives de Robert Rapilly (2011), à y redécouvrir une grille 9x10, et à m'apercevoir que sa colonne centrale contenait aussi une anagramme de NOM PRENOM, avec en plus la lettre I. J'avais remarqué que cette grille avait deux lettres centrales, et que ces lettres étaient PI. Se reporter à ce billet récapitulatif.

  Alors Dos Santos a imaginé que les auteurs du signal "Wow!" récidivent avec un signal Pi...

  Les 42 chiffres de Pi me rappellent une curiosité du roman de Sinoué, Les Silences de Dieu, ayant joué un rôle important dans mes découvertes de septembre 2008. On y trouve les mêmes faits controuvés concernant Fibonacci et le nombre d'or, qui y est donné avec 42 décimales. Dieu s'y incarne sur terre (pour la première fois!) sous la forme d'un jeune homme, MORCAR, dont est calculée la valeur numérique, 68, et j'avais vu 42/68 = 21/34, deux nombres de Fibonacci.
  Signe de vie a un prologue, 108 chapitres, et un épilogue, soit en tout 110 éléments, 42+68, mais je ne vois rien justifiant un partage 42-68 de ces éléments. Je pense à la gématrie de l'hébreu hayim, "vie", 68 (son "signe" étant les 42 chiffres de Pi).

  Le chapitre 34 de Signe de vie dédié au nombre d'or et à Fibonacci me rappelle les 34 chapitres du Labyrinthe de la Rose, où 34 est décliné à toutes les sauces, avec notamment son appartenance à la fameuse suite.

  La NASA remet en service la navette Atlantis pour aller voir le mystérieux objet, en fait une comète, sur laquelle a été fixé un cube bleu clair, que Noronha parvient à détacher et à amener à la navette. J'ai lu ceci au moment où j'étais en train de rédiger le chapitre 7 de Novel Roman, où je fais intervenir aussi un cube bleu, inspiré par le mystérieux cube bleu de Mulholland Drive, et je me demande si Dos Santos n'y a pas pensé aussi, car son cube abrite des créatures aussi inquiétantes que celui de Lynch...

  Voilà pour Dos Santos, auquel je me permets de contester le titre de "roi du thriller bien informé.
  Pendant sa lecture, je suis passé à la médiathèque de Gréoux où quelques polars étaient mis en évidence, dont Hortense (2016), de Jacques Expert, un auteur que je ne connais pas. J'aime le nom HORTENSE, m'évoquant aussitôt la Dame à la hache, une nouvelle de Leblanc qui m'a semblé receler une clé pour aborder le recueil dont elle fait partie. Je compte introduire prochainement une Hortense dans Novel Roman, en fait déjà présente dans ce chapitre 7, où il n'est pas indiqué le nom de l'actrice qui interprète Ornella.

  Je n'ai pas grand-chose à dire de ce Hortense, sinon que le nom du commissaire chargé de l'enquête sur la disparition d'Hortense se nomme Bernard Dupouy, un nom probablement choisi en hommage à Jean-Bernard Pouy.
  Ceci fait écho à une curiosité d'il y a quelques mois, où la 4e de couverture du polar Avant l'aube de Xavier Boissel m'avait conduit à le lire, parce que le héros du roman en était l'inspecteur Philippe Marlin, exact homonyme de l'éditeur de L'Oeil du Sphinx, auquel je suis redevable de m'avoir édité, de même que l'a fait JB Pouy.
  Tiens, l'écriture du chapitre 6 m'a fait employer l'expression "avant l'aube", sans penser à ce polar déjà presque oublié.
  La nouvelle que j'ai écrite pour Phil, L'enchanté réseau, fait aussi grand usage de l'anagramme, et elle s'achève le 16 avril 1908, le jour J (ou plutôt la nuit N) de Novel Roman. Sa publication en mai 2009 a été fortement synchronistique.
  Lorsque j'ai cherché en ligne des confirmations de l'assertion de Dos Santos sur le "périmètre de l'univers visible", je n'ai trouvé que des références à Signe de vie, et, parmi elles, le compte-rendu de lecture de Philippe Marlin (plus positif que le mien).


  Parmi le petit lot de polars en évidence à Gréoux, il y avait un autre Jacques Expert, La théorie des six (2008), que j'ai aussi emprunté.
  C'est plus intéressant, surtout pour l'amateur de structures fibonacciennes. Le roman a un prologue, 33 chapitres, et un épilogue assez particulier, car il compte près de 60 pages alors que les 33 chapitres font moins de 6 pages en moyenne. Par ailleurs l'intrigue principale d'un roman s'achève généralement dans son dernier chapitre, et l'éventuel épilogue n'est qu'un... épilogue, précisément.
  Ce n'est pas le cas ici, où le dénouement apparaît à la fin de l'épilogue, et où il y a une dernière section qui tient lieu de réel épilogue, Deux ans plus tard.
  C'est que dans les chapitres courts la narration suit une seule personne, tandis qu'elle passe de l'une à l'autre dans l'épilogue.
  Toujours est-il que les 34 sections constituant l'essentiel du récit peuvent se découper ainsi:
- 21 sections où l'assassin se confie, à la première personne
- 13 autres sections, et parmi ces 13 sections il y en a 8 consacrées au récit du commissaire chargé de l'enquête, également à la première personne.
  Donc, 5-8-13-21-34, c'est parfaitement fibonaccien, mais probablement sans intention car il n'y a pas d'harmonie interne séquentielle, les chapitres "assassin" étant prépondérants au début de l'intrigue.
  J'ajoute que l'intrigue se passe de janvier à mai 2008, sans guère de dates précises dans le texte. Je suis très attentif aux romans se passant en 2008 ou publiés en 2008.

  Pour le titre du roman, je vais laisser la conclusion à Dos Santos, toujours au chapitre 34:
— Or le 6 ne fait pas partie de la suite de Fibonacci
—Non, mais c'est un multiple d'un chiffre de Fibonacci. Six est le double de trois.
  Je ne résiste pas à remarquer ici "chiffre" au lieu de "nombre". Il y a de toute façon des fleurs qui obéissent à une suite de Fibonacci double, avec par exemple 6 spirales dans un sens et 10 dans l'autre.

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