22.4.12

la porte door

J'écrivais dans le dernier billet que Claudine Chollet ne pouvait avoir été influencée par mon blog Quaternité pour écrire son 4e Polycarpe, Le Nombre d'Or, où Jung est mentionné, puisque le roman est paru en juillet 2008, deux mois avant la création de Quaternité.
Certes, mais comment n'ai-je pu remarquer que cette parution coïncidait étroitement avec ma lecture le 2 août du polar de Gilbert Sinoué Les Silences de Dieu (2003), seul autre roman à ma connaissance où le nombre d'or joue un rôle important ? Je l'avais acheté le matin même à un bouquiniste du marché de Digne, sans savoir qu'il y était question du nombre d'or, et ceci m'a ensuite mené à lire d'autres Sinoué, dont Des jours et des nuits le 31 août, où Jung apparaît en tant que personnage, ce qui a déclenché le bouillonnement cérébral vraisemblablement à l'origine de mon intuition 8 jours plus tard des 4/5es de la vie de Jung le 4/4/44.

L'aspect temporel de la coïncidence, ma lecture des Silences de Dieu au moment de la parution du Nombre d'Or, m'est évidemment personnel, mais il reste que ces rompols français, vraisemblablement les seuls où le nombre d'or est au premier plan, sont dus à des auteurs qui citent Jung. Si Jung n'est pas cité explicitement dans Les Silences de Dieu, l'un de ses personnages se déclare convaincu
que notre évolution obéit à des schémas harmonieux et structurés, que les grandes lignes de notre destin sont tracées et font partie intégrante d'un faisceau qui échappe à notre contrôle. (page 55)
Suivent quelques exemples de "plus-que-coïncidences", comme disait Robert Graves, de synchronicités dirait un jungien, et l'idée générale du roman est plutôt jungienne, matérialisation dans notre monde de créatures, anges et démons, nées dans l'inconscient collectif...

C'est une conjecture peut-être aventurée d'avancer qu'il s'agisse des deux seuls romans où le nombre d'or soit au premier plan, puisque Le Nombre d'Or est paru chez un petit éditeur et que j'aurais eu assez peu de chances de le découvrir sans l'aide de l'auteur. Quant à Sinoué mieux coté, il m'a tout de même fallu 5 ans pour le découvrir, malgré une édition en poche en 2005, et 4 traductions. J'aurais pu le trouver à ma médiathèque, et je l'y ai sans doute aperçu puisque j'ai souvent consulté la cote voisine SINiac, mais son titre n'indique pas qu'il pourrait y être question du nombre d'or.

Il y a de par le monde quantité de romanciers imaginatifs, et il est fort probable que plusieurs aient songé à intégrer le nombre d'or dans leurs oeuvres, mais comment le savoir si celles-ci ne sont pas traduites ? Il y a au moins eu La section d'or, de Pernille Rygg, traduction en 2002 de l'original norvégien de 2000. J'ai appris son existence à l'étal d'un bouquiniste, peut-être en 2003, au moment de la parution des Silences de Dieu ?
Quoi qu'il en soit, je n'ai pas vu la moindre section dorée à la lecture de ce polar, qui ne m'a guère séduit, et il a fallu que je le fasse lire à Anne, plus attentive que moi, qui y a repéré page 230, dans la description d'un tableau:
Sur la moitié gauche de la toile, un simple coup de pinceau vif suit cette ligne appelée la section dorée, qui est censée mettre en valeur, sous un angle optique ou au figuré, ce qui se trouve là.
C'est tout. Peut-être cette phrase a-t-elle une portée essentielle dans le roman, justifiant son titre, mais ses motivations m'étaient restées obscures. Peut-être Rygg a-t-elle aussi rendu hommage à son éditeur, Gyldendal (vallée d'or).
Je n'ai pas le courage de relire le livre, mais en le feuilletant je tombe sur le nom Jung, page 306, lorsque l'héroïne, psy, est confrontée au peintre en question, animé de mauvaises intentions. Elle songe à le frapper au ventre, mais il semble avoir capté sa pensée :
Aïe, dit-il en posant la main et le couteau devant son abdomen. Jung aurait adoré ce beau synchronisme, ma pensée et son geste.
Je suppose que "synchronisme" est dû à un traducteur ignorant de la synchronicité jungienne, et de fait je trouve une traduction anglaise mieux conforme:

Peut-être s'agit-il plus de transmission de pensée que de synchronicité.

Quoi qu'il en soit, les deux polars publiés en France évoquant le nombre d'or dans leur titre, les seuls à ma connaissance, mentionnent tous deux Jung. Je présume encore que le taux de polars citant Jung est faible, nettement inférieur à 1%.
Me demandant s'il existait un lien quelconque entre Jung, qui déclarait que les seuls maths qu'il connaissait, c'était 3+1 = 4, et le nombre d'or ou une personnalité liée au nombre d'or, j'ai pensé à ses photos de 1960 par Cartier-Bresson, dont celle en couverture de Ma Vie...
Cartier-Bresson était obsédé par le nombre d'or, il en a diversement témoigné, « La divine proportion, intuitivement je sais où ça tombe. Et ça je peux rien dire de plus.», «Lorsque je vois quelque chose qui ne tombe pas sous le nombre d'or, ça m'est très pénible», notamment dans cette interview de 1998 où il était âgé de 90 ans.
Il y parle du nombre d'or à partir du temps 1:30, de façon raisonnable (qui rappelle d'ailleurs ce qu'en disait Daumal dans La Grande Beuverie) :

Son discours était bien moins cohérent dans ce qui fut peut-être sa dernière interview, le 1er mai 2003 sur France-Inter, un an avant sa mort (dans le 04, mon département). A chaque question du journaliste, il répondait en substance «La seule chose qui compte, c'est le nombre d'or.»

Les photos de Jung ont donc vraisemblablement été prises par Cartier-Bresson selon le nombre d'or, mais je ne me hasarderai pas à commenter telle ou telle sans être sûr qu'elle n'a pas été recadrée (ce que j'ai par exemple fait ci-dessus pour la couverture portugaise des Silences de Dieu). Je donne en revanche cette gidouille dont le centre est assez clairement situé à la section d'or verticale de la photo.

Si le nombre d'or reste discret dans le roman de Pernille Rygg, j'avais été frappé qu'il puisse apparaître doublement dans son nom, selon notre alphabet du moins :
- les initiales P-R = 16-18 évoquent 1.618;
- les valeurs numériques des prénom-nom 91-57 correspondent au partage doré entier de la somme 148.
En regardant sur GoogleBooks la traduction anglaise de son roman, j'ai été surpris de trouver en première position des "livres sur des sujets connexes" The Devil's Star de Jo Nesbø, que j'ai lu début juillet 2008 (tiens, lors de la parution du Nombre d'Or de Claudine), et envisagé de commenter pour ses liens avec mes études sur les meurtres commandés par la géométrie et les amputations.
4 femmes sont assassinées à Oslo; les meurtres ont lieu tous les 5 jours, les victimes habitent un 5e étage, sont trouvées amputées d'un doigt de la main droite, avec un diamant rouge taillé en pentacle. L'enquête établit que les lieux des 4 crimes correspondent à 4 sommets d'un pentacle basé sur le centre d'Oslo. Ceci semble désigner un suspect habitant au 5e sommet, Sven Sivertsen.
Il s'agit évidemment d'une mise en scène du vrai tueur, mais ce qui m'avait le plus frappé alors était les 4 amputations et le nom SVEN, en écho aux 4 mains droites amputées des 4 frères SVEN dans Les Orphelins du Mal. Par ailleurs l'enquête sur le pentacle mentionnait le nombre d'or qui y est étroitement associé.

Aujourd'hui je suis attentif au fait que j'ai lu ce roman avec un motif 4+1 deux mois avant ma découverte du motif 4+1 dans la vie de Jung. Je remarque aussi que le prénom SVEN, "cygne", est proche des initiales des 4 directions, E-W-N-S en anglais notamment. En août dernier, un réel tueur Swan m'amenait à découvrir le fabuleux agencement fibonaccien de Philadelphie, par une série de meurtres dessinant dans la ville le tangram du cygne.
Il se trouve aussi que je viens de lire le roman de Nesbø paru l'an dernier en France, Le léopard, sans motivation spéciale sinon qu'il m'est tombé sous les yeux le 3 avril à la médiathèque. Sa lecture s'est accompagnée de coïncidences personnelles fort troublantes, mais je m'en tiendrai ici à un seul point, objectif.
Tout tourne autour de ce qui s'est passé dans un refuge au nord de la Norvège, où 8 personnes ont passé une certaine nuit de novembre. Au cours des semaines suivantes, 5 d'entre elles sont assassinées, 4 femmes et 1 homme, prénommés dans l'ordre Adele, Borgny, Charlotte, Marit, et Elias.
J'ai repéré que les initiales ABCME étaient proches d'une quinte alphabétique parfaite, ABCDE, ou 1-2-3-4-5. Certaines numérologies réduisent M = 13 en 1+3 = 4, notamment le code de Cheiro dont John Lennon était un adepte, aussi je m'attendais à voir ceci intervenir dans la résolution de l'énigme, d'autant que l'auteur avait déjà utilisé des jeux alphabétiques dans d'autres romans.
Il n'en a rien été. Peut-être s'agit-il d'un private joke de Jo... Quoi qu'il en soit, il m'était important que la 5e victime soit un Elias/Elie, car j'associe étroitement Jung, et plus particulièrement le dernier cinquième de sa vie, à Elie. Ceci m'a conduit à lire La cinquième montagne, où Coelho a romancé un épisode de la vie d'Elie, mais ça ne m'a inspiré aucun commentaire.

Je suis en train de préparer pour Quaternity une série de posts abordant le nombre d'or, ce qui m'a conduit à relire le billet Blogruz en hommage au 8 septembre 2008 vulgaire ou 1er Absolu 136 de l'ère pataphysique, alors que j'ignorais que ce jour je découvrirais la relation sur le 4/4/44 (abordée dans le billet suivant).
Il y était question de gidouilles, de spirales basées sur le nombre d'or installées par un artiste dans un parc de Cambridge, et une coïncidence additionnelle que j'avais découverte était que le nom de l'artiste David Phillips était en rapport d'or gématrique avec la mention artist qui lui était accolée, 141/87.
Je remarque aujourd'hui que la date 1997 de la création est aussi celle de l'écriture du Petit lapsus un peu suspect de Claudine, qui serait publié 4 ans plus tard en tant que 141e Poulpe, dans la collection Baleine qui avait publié 87 autres polars.
Je remarquais aussi le zipcode de Cambridge, 02138, m'évoquant B-A-C-H (2-1-3-8) et mes recherches dorées sur Bach. Je ne me rappelais plus 20 mois plus tard de cet artist-87 lorsque j'ai fait une de mes plus belles découvertes bachiennes : un total équilibre doré des tonalités BACH dans le Clavier Bien Tempéré, magnifié par une propriété unique des préludes B-a-c-h initiée par les 87 mesures du prélude en B...

A propos de Bach, je rappelle la voiture BA-024-CH vue le 21 février, ma première voiture BACH rencontrée, avec un numéro 24 que j'estimais significatif car correspondant au numéro d'ordre que s'était attribué Bach dans son arbre généalogique et aux 24 tonalités.
Je n'avais plus en tête que le Jeudi de l'Oulipo du mois avait été consacré à Bach, le 9 février, 12 jours plus tôt, et sa très récente mise en ligne m'a appris qu'il avait débuté par une série de 24 variations sur le nom BACH, par Paul Fournel, calquée sur les 35 variations sur un thème de Proust, de Perec.


J'ai aussi relu ce que j'avais écrit pour célébrer le nouvel an pataphysique l'année précédente, toujours sur les gidouilles, avec quelques coïncidences dans le numéro 326 de la revue Atlantis, Crosses et spirales. Certaines coïncidences touchaient précisément au nombre 326, avec quelques spéculations qui m'avaient paru très hasardeuses sur les numérologues égéens qui privilégiaient un triangle isiaque (ou pythagoricien) de côtés 978, 1304 et 1630, soit 3, 4, et 5 fois 326.
Ceci me semble toujours fantaisiste, mais remarquablement parallèle à une relation dans Le Nombre d'Or de Claudine, que j'avais omise car elle dépendait de mon hypothèse pascale qui ne répondait à aucune intention de l'auteur.
Alors voilà : le mystère touche la famille Picard composée de
la mère VANDA = 42 = 3 x 14
le père CHARLIE = 56 = 4 x 14
la fille MARION = 70 = 5 x 14
Ceci pourrait dessiner un autre triangle isiaque, avec Vanda qui porterait la culotte et plus généralement une polarité inversée puisque dans le triangle original Osiris et Isis correspondent aux côtés 3-4, et leur fils Horus à l'hypoténuse 5.
Le facteur 14 est frappant, puisque selon le mythe Osiris a été découpé en 14 morceaux jetés dans le Nil, mais Isis n'en a retrouvé que 13, le phallus ayant été bouffé par les poissons...
Je suis aussi sensible à la possibilité
(42+70) x 56 = 6272, le nombre de jours vécus par (Charlie ?) Jung après le 4/4/44, mais le Charlie de Claudine ne survivra pas à ce mois d'avril.

Je m'en tiens là, et veux encore mentionner deux coïncidences dorées éditoriales, qui peuvent être remises en question car liées à mes connaissances actuelles du sujet.
Laurent m'a signalé, à la suite du billet La mode Daumal, la mention du nombre d'or dans La Grande Beuverie de Daumal (1938):
Quelques-uns de ces prétendus peintres ont imaginé de construire leurs tableaux selon les lois du nombre d'or et du cercle chromatique. Inutile de vous dire que ce ne sont pas le vrai nombre d'or ni le cercle chromatique. La preuve c'est que pour la relation d'or, par exemple, ils en font une construction géométriquement sur la toile, s'appliquant ensuite à habiller ce canevas, comme peut faire le premier venu; ainsi sont-ils de faux peintres et de mauvais géomètres. Au lieu que le vrai peintre, comme vous savez, possède en lui, dans ses muscles, dans sa sensibilité, dans sa pensée même, le nombre ou les nombres d'or et les lois de la couleur; il les possède, il les a payés, il les fait vivre dans tout ce qu'il vit et voit, et non seulement sur sa toile: aussi son oeuvre est-elle utile et universelle.
Cette année 1938 était aussi celle de la parution d'un roman de Simenon, Les soeurs Lacroix, qui était jusqu'ici le premier exemple à ma connaissance de fiction mentionnant le nombre d'or. Ces soeurs sont la femme et la belle-soeur du peintre Emmanuel Vernes auteur de Recherches sur le Nombre d'Or dont elles ne savent que faire après le suicide du peintre.
Le millésime est notable, car l'expression "nombre d'or", apparue pour la première fois à la fin du 19e dans son sens actuel prédominant, désignait auparavant la position de l'année dans le cycle de Méton, utilisée pour calculer la date de Pâques. C'est un nombre de 1 à 19, reste augmenté de 1 de la division du millésime par 19, ainsi 1938 était la première année du 103e cycle de Méton de l'ère chrétienne.

Les Silences de Dieu a obtenu en 2004 le Grand prix de littérature policière, prix fondé en 1948 par le critique et romancier Maurice-Bernard Endrèbe. Il en était également l'un des jurés, et sa dernière participation a peut-être été de voter pour ce roman (il est mort en 2005).
Près de 60 ans plus tôt, ce curieux personnage était l'un des responsables de la collection La Mauvaise Chance qui a publié en 1946 la première enquête policière faisant intervenir le nombre d'or (toujours à ma connaissance), une nouvelle du recueil Confidences dans ma nuit, de Thomas Narcejac.

2 commentaires:

claudine a dit…

RS,
Synchronicité des coïncidences avec ce rapport 14 des gématries de Vanda, Charlie et Marion... dans mon "Nombre d'or"! Je n'aurais pas fait mieux en voulant le faire exprès! Vous m'ouvrez les yeux sur ces drôles de hasards qui n'en sont pas. Ce fabuleux concept de synchronicité m'avait été confirmé dans mon expérience, notamment en psychologie transgénérationnelle, mais jamais encore dans mon écriture... C'est fait... Un grand merci. CC.

blogruz a dit…

Aïe, mes aïeux !, fabuleux bouquin (Anne Ancelin Schützenberger)...