27.6.11

...MARC M'A TUER

Je me suis intéressé ici aux coïncidences "627", en observant que je regrettais de n'avoir pu revoir le film L.627 de Tavernier (devant son nom à l'article du code sur la législation sur les stupéfiants).
J'ai revu le film début juin, et y ai remarqué essentiellement ceci : "Lulu" y retrouve un indic en un lieu où j'ai reconnu le viaduc de la rue Arthur-Rozier, au-dessus de la rue de Crimée. Je connais l'endroit car Jean-Pierre Le Goff habitait dans cette rue, au 11, et la maison qu'on voit ici à gauche est l'immeuble du 26 rue de Crimée, où habite l'inspecteur Belot dans La double mort de Frédéric Belot (1932) de Claude Aveline.
Belot profite d'une sortie discrète rue Arthur-Rozier, au 43ter selon Aveline, pour mener une double vie. Connaissant la rue, je savais que les numéros impairs s'y trouvent de l'autre côté, et j'ai vérifié lors de mon récent passage à Paris que la seule sortie de l'immeuble rue Arthur-Rozier se trouve au 14 (ci-dessus une photo confirmant l'identité de l'immeuble).
Une petite curiosité : la valeur numérique de "ter" est 43, ainsi les numéros en partie fictifs de l'immeuble livrent le motif 26-43-43 qui m'est évocateur, car ma répartition selon le nombre d'or des 112 mots de mon anagramme de Vocalisations m'a conduit au schéma 43-26-43.

Je n'ai précisé ceci que pour "expliquer" pourquoi il m'a semblé devoir m'intéresser plus avant à la Suite Policière d'Aveline, suite fort originale car elle a débuté par l'enquête sur la mort de Belot, en 1932, en conséquence les 4 enquêtes ultérieures de Belot ont été situées à des époques antérieures.
Parmi mes très récentes découvertes de motifs 4-1, il y a eu l'ajout par Bialot d'un roman à la tétralogie LOUP publiée au Seuil en 1999-2001, précisément La ménagerie, enquête sur l'assassinat du commissaire Jean-Loup Fresnel, parue chez Rivages/noir en 2007. J'ai pu lire récemment ce roman, où Loup ne semble avoir de commun avec le Loup de la tétralogie que le nom.
Bref Bialot-Belot était un autre écho, et Aveline et Bialot ont en commun d'être des émigrés qui ont eu à pâtir de l'occupation nazie : Evgen Avtsine est entré dans la Résistance, Marc Joseph Bialograda a été déporté.

Je connaissais bien deux des cinq "Belot", La double mort et L'abonné de la ligne U (1947 mais écrit pendant la guerre), les plus longs et les plus connus. Un hasard me fit tomber lors de mon séjour à Paris sur une réédition 10/18 de Voiture 7 place 15 (1937) et Le jet d'eau (1947), restait L'oeil-de-chat (1970), que je lus en bibliothèque.
Mon attention fut pleinement acquise dès la première phrase :
Aujourd'hui, dimanche des Rameaux 1930 au soir, une pluie comme on n'en voit jamais ici transforme en torrent la rue Bonaparte, de la place Saint-Germain-des-Prés à la rue du Four.
J'ai mentionné à diverses reprises mes recherches sur les dates pascales, qui m'ont conduit peu après ma découverte du schéma 4-1 dans la vie de Jung à une liste de 5 polars couvrant exactement une semaine pascale, du dimanche des Rameaux à celui de Pâques. Les multiples coïncidences reliant ces 5 textes me fascinent à tel point que j'y ai consacré la seconde fournée de la version anglaise de Quaternité, qui prend le chemin d'une publication chaque 4 avril de 5 billets. Ceci m'a permis d'échanger quelques mèls avec Craig Holden, l'auteur du 4e texte découvert, Les quatre coins de la nuit, concernant la 4e semaine pascale chronologique (1996), et contenant le nombre 4 dans son titre.
Le bon sens me dictait que ces 5 textes ne pouvaient être les seuls, et je me demandais s'il me serait donné d'en découvrir d'autres, et dans quelles conditions, puisque à chaque découverte étaient associées de curieuses circonstances, et voici que j'arrivais par mes propres moyens à ce 6e texte, dont la première phrase s'achevait sur un Four (soit l'anglais "quatre" présent dans le titre original de Holden), celui de la rue du Four dont le croisement avec la rue Bonaparte se situe dans le 6e arrondissement (j'ai jadis appelé "éon Napol" le mystérieux phénomène s'ingéniant à multiplier les coïncidences, comme je l'ai dit notamment , où j'avais oublié avoir suggéré un prénom à cet éon Napol, Elie, que je devais ultérieurement associer à Jung).

En fait cet Oeil-de-chat ne répond pas intégralement aux critères que j'avais définis, car l'enquête sur un meurtre commis le dimanche des Rameaux se conclut le vendredi suivant, à 4 heures du matin, fin du roman. Mais les critères peuvent être adaptés, ainsi j'admettais dans mon schéma Le décorateur, d'Akounine (à ce propos, j'ai donné sur Quaternity cette couverture montrant un paysage nocturne, avec ses 4 coins occupés par les symboles des cartes), qui débute le mardi de la semaine sainte, et omet les deux premiers jours, tandis que ce sont ici les deux derniers jours qui manquent, mais le Vendredi saint est un jour crucial de la semaine sainte.
Bien que, toujours selon ces premiers critères, l'interprétation des oeuvres concernées soit secondaire, je crois avoir établi que leurs auteurs avaient intentionnellement choisi la semaine pascale, et ce pourrait bien être le cas aussi ici.

Dans son étude Claude Aveline ou une poétique de la prose (postface aux Histoires nocturnes et fantastiques), l'oulipien Jean Lescure avance que la clarté évidente de ses ouvrages recouvre bien autant de mystère que l'écriture la plus abstruse. Après une première impression "Il me cache quelque chose", Lescure préfère écrire "ça cache quelque chose". Plutôt "ça" que "il". Plutôt l'objet littéraire que la volonté du littérateur.
Plutôt "CA" que "ça", ai-je envie de préciser, me souvenant que le "double" policier de l'auteur d'initiales CA (3-1 dans l'alphabet) avait pour initiales FB (6-2). Lorsqu'il a tenté de publier L'abonné... pendant l'Occupation, Aveline vivant dans la clandestinité n'a pas changé les initiales de Belot, devenu Frédéric Bigot.

Lescure conte encore comment, en visite chez lui, Aveline s'exclama en découvrant le rayon Roussel de sa bibliothèque : "C'est à cela qu'on reconnaît une bonne bibliothèque."
Roussel, peut-être l'oeuvre la plus mystérieuse de notre littérature, en partie basée sur des jeux de mots. Lescure avance quelques hypothèses sur les comportements de divers personnages d'Aveline liés à leurs noms, auxquels Aveline déclarait attacher une grande importance.

Il m'est nécessaire de résumer l'intrigue de L'oeil-de-chat, en dévoilant la solution du problème donnée par Aveline, tant il me semble que cette solution est un leurre.
Jean-Marc Berger, 23 ans, étudiant aux Beaux-Arts, a fait la connaissance de la belle Huguette Sarrazin, 36 ans, habitant un hôtel particulier 9bis rue de la Ferme, à Neuilly, qui lui fait peindre des faux Van Gogh, écoulés ensuite aux Etats-Unis par son ancien amant, Paul Mercier Huguette désire rompre ce trafic, et épouser Jean-Marc. Elle en fait part à Paul la veille du crime, lors de l'inauguration du restaurant de luxe de Mercier, le Seau grenu, et celui-ci réagit avec une telle violence que Huguette, rentrée à Neuilly, cache une lettre dans sa bibliothèque, indiquant que si elle devait être assassinée, le coupable serait certainement Paul Mercier.
Le lendemain, dimanche des Rameaux, Berger réagit tout aussi mal au projet d'Huguette; il s'accommodait fort bien de l'argent facilement gagné avec ses faux, et refuse de jouer les gigolos. Les amants se battent, et Jean-Marc s'enfuit sans se rendre compte qu'il a blessé mortellement Huguette.
Mercier arrive ensuite, animé par une pulsion homicide, mais trouve Huguette morte, et décrète que c'est Berger qui l'a tuée. Il a alors l'idée curieuse de le mettre face à son acte en coupant la main d'Huguette, avec à son doigt l'oeil-de-chat offert par Berger, puis de placer cette main dans une valise avec quelques affaires prises au hasard. Comme il sait que Berger doit prendre le train le soir même pour aller voir ses parents à Lyon, Mercier se débrouille pour croiser son chemin, et échanger les valises de telle manière que Berger soit obligé d'ouvrir la valise sanglante en public. C'est certes un point délicat de l'intrigue, si incroyable que les enquêteurs ne peuvent croire le récit de Berger, et l'arrêtent.
Un témoignage viendra cependant corroborer son récit, et la lettre accusatrice de la victime amène Belot à venir appréhender Mercier à la toute première heure du Vendredi saint, et à le confronter avec Berger. Aveline prend la peine de donner le nom du chauffeur de la police qui conduit Belot au Seau grenu, Lacroix. Ce peut difficilement être anecdotique, de même qu'il ne me semble pas fortuit que ces deux amants d'Huguette aient tous deux des noms de métiers, Mercier et Berger. Ce dernier nom est couramment associé à Dieu (le psaume Tu es mon berger) ou à ses représentants. Leurs prénoms ne semblent pas anodins, l'apôtre Paul, et Jean-Marc n'est pas seulement la réunion des deux évangélistes Jean et Marc, c'est plutôt le nom réel caractérisant Marc né Jean, par ailleurs plus proche collaborateur de Paul. Paul de Tarse pour être précis, et dans cette affaire de main coupée il ne me semble pas indifférent que le père de Jean-Marc, Joannès, travaille non dans une mercerie mais pour les Tissus et Soieries Saint-Polycarpe (tarse et carpe désignent en anatomie des ensembles d'os similaires du pied et de la main).
Mercier et mercerie désignaient jadis marchand et marchandise, avant d'évoluer vers un commerce spécialisé, d'où Berger et Mercier pourraient correspondre à deux grands types d'activités humaines (production et exploitation ?)
Un autre personnage du roman a un nom de métier, et c'est la seule autre personne qui a une clé de la maison d'Huguette Sarrazin, sa servante Gisèle Charpentier. Bien qu'elle ait été convaincue de mensonge et de vol par Belot, les enquêteurs ne semblent pas avoir cherché à vérifier son alibi (elle est normalement de sortie le dimanche). Comme Jean-Marc n'avait aucune conscience d'avoir blessé Huguette, d'autres scénarios pourraient être envisagés.
Jésus était charpentier (selon l'évangile de Marc !), et Gisèle est l'anagramme de "Eglise". Paul et (Jean-)Marc figurent parmi les principaux propagateurs de l'Eglise. Claude Aveline, qui a utilisé le pseudo Lucien Valade, n'ignorait pas l'usage de l'anagramme.
J'avoue que je ne vois guère où tout ça mène, mais je ne connais guère toutes les subtilités de la théologie catholique. Incidemment, cette histoire où Jean-Marc n'est coupable que d'un homicide accidentel me rappelle un roman de Craig Holden, Lady Jazz, où un homme accusé du meurtre de sa femme préfère se laisser condamner que révéler les véritables circonstances du meurtre, tenant de la légitime défense. Je me souviens avoir été fort choqué par la morale catholique où le résultat d'une action prime sur l'intention, à tel point que je me demande aujourd'hui si l'aumônier n'avait pas délibérément choisi des exemples propres à détourner ses ouailles de la foi.

Holden, dont la structure des romans est mûrement pesée, m'incite à mentionner les 14 chapitres de L'oeil-de -chat, peut-être en corrélation avec les 14 stations du chemin de croix, présentes dans chaque église, donnant lieu à une cérémonie chaque Vendredi saint.

Comme maintes fois répété, je ne sais comment qualifier la coïncidence qui a voulu que, selon l'ordre chronologique des semaines pascales gouvernant les 5 polars jusqu'ici connus, le 4e et le 5e aient respectivement 4 et 5 dans leurs titres, aussi j'ai envie de conserver le critère d'achèvement le jour de Pâques (ou la nuit pascale où le Christ est censé être ressuscité) pour conserver ce magnifique équilibre, et de créer une nouvelle catégorie pour les polars s'achevant le Vendredi saint.
Il est encore fabuleux que le premier élément de cette catégorie appartienne à la Suite Policière, la série des 5 Belot qui est probablement un cas unique dans la littérature policière : un homme de lettres "reconnu" a daigné se livrer à ce genre "mineur", et son apport s'étend sur près de 40 ans, de La double mort... en 1932 jusqu'à L'oeil-de-chat en 1970, 5e titre qui est aussi le 4e selon la chronologie s'achevant avec la mort de Belot en 1932.
L'oeil-de-chat a d'abord été un feuilleton radiodiffusé en 1951. Les dates cruciales de la semaine sainte y étaient probablement déjà présentes, puisque le scénario est lié au départ en vacances de Jean-Marc. Pour le passage au roman, Aveline déclare avoir approfondi la psychologie des personnages du feuilleton.

Je suis encore ébahi d'être arrivé à ce roman, où il me semble que ce n'est pas par hasard que les trois familiers de la rue de la Ferme soient Mercier-Charpentier-Berger, grâce à un film d'un réalisateur français ayant aussi un nom corporatif, Tavernier. De fait Mercier peut être considéré comme un tavernier (et une taverne est en langage populaire une "crèmerie", anagramme de "mercerie"). Incidemment, un facteur déclencheur de mon dernier billet était Bergier (vieille forme de "berger").
Les criminels principaux de L'Abonné de la ligne U sont les frères Tavernier (Paul et Vincent), et ils doivent leur nom à une fantaisie qui a donné à Aveline les noms des personnages essentiels du roman, choisis parmi ceux qui suivirent Guillaume le Bâtard à la conquête de l'Angleterre.

Je remarque qu'un autre criminel d'Aveline a un nom proche de Berger, Bergeron dans Voiture 7, place 15, escroc de la stature d'Arsène Lupin qui semble être aussi le fameux Abonné de la ligne U, où il est cependant nommé Verdon.
Cette histoire ferroviaire rappelle une aventure d'Arsène Lupin, Le mystérieux voyageur, et je remarque que la date de naissance d'Aveline, le 19 juillet 1901, est la Saint-Arsène. Il y a d'étranges échos entre les Berger-Bergeron d'Aveline, le Lupin de Leblanc, le Loup de Bialot...
Je rappelle que j'avais remarqué ici la date de la mort d'Aveline, le 4 novembre 1992, Saint-Charles, 60 ans après la mort de Frédéric Belot un autre 4 novembre.

Curieusement, cherchant des blogs parlant de L'oeil-du-chat, je trouve celui d'Alain Cipit, ça a débuté comme ça, qui donne chaque jour une première phrase de roman (ou autre) et a donné celle que je donnais plus haut le 1er mai dernier. C'est la seule citation d'Aveline (et deux jours plus tôt c'était le seul incipit d'Avallone !)
Bizarrement (ou non ?), je suis aussi sur ce blog, en date du 18 novembre 2009. Merci, car je n'avais pas négligé cet incipit dont je reste fier.
J'ai eu la curiosité d'aller chercher quand monsieur Cipit avait créé son blog, le 25 avril 08, et de regarder quelques dates clés, comme celle du 8/9/8 où j'ai eu mon intuition jungienne au réveil :
"Quelle explication puis-je me trouver ?" pensait-il, lorsqu'il lui arrivait de penser.
Le 2 janvier 09, c'était le tour d'un des 5 polars couvrant la semaine pascale :
Le mariage de M. Robert Darzac et de Mlle Mathilde Stangerson eut lieu à Paris, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le 6 avril 1895, dans la plus stricte intimité.
Je rappelle que l'un des points forts du roman est l'immersion du corps de Fred Larsan, fictif ennemi public n° 1, au soir du 13 avril 1895, à peu près au même instant où un autre Fred (Dreyfus), alors réel ennemi public n°1 pour la majorité de l'opinion, embarquait pour l'île du Diable où il était supposé devoir finir ses jours.
Comme Pâques tombait le 20 avril en 1930, le dimanche des Rameaux où Huguette meurt était le 13 avril (que j'ai tendance à lire 13/4 ou 134 valeur d'ARSENE LUPIN comme de REMI SCHULZ ou de PAUL AUSTER).
J'ai jadis eu un projet, Le parfum de l'amant d'Anouar, évidemment inspiré par le roman de Leroux, où le coupable d'un meurtre commis la nuit de Pâques était supposé être le narrateur, que j'avais nommé Breger anagramme de Berger, en pensant au docteur Shepard ("berger") du Meurtre de Roger Ackroyd. La narration de L'oeil-de-chat épouse parfois le point de vue de jean-Marc Berger, avec une certaine honnêteté puisque celui-ci ignore qu'il est responsable de la mort d'Huguette.

L'affaire des 627 (venant en grande partie de la naissance de JJ Abrams le 6/27) m'avait mené au 194, et au 19 avril Sainte Emma.
Mon enquête précédente sur Tintin m'a fait découvrir la date de la mort de la mère de Hergé, le 19 avril 1946, qui était un Vendredi saint.
C'est le 26-43ter de Belot qui m'a fait découvrir son roman s'achevant un Vendredi saint, et Tintin qui est un 43bis (TIN = 43) habite 26 rue du Labrador.
Belot-Abellio ? Dans le système gématrique propre à cet auteur, le Tétragramme YHWH a pour valeur 43, sa valeur usuelle étant 26 (Raoul de Warren mentionne cette valeur 43 dans Les portes de l'enfer).

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