30.5.10

mispar

à Gilles et Nicolas,

Dès les jours suivant ma découverte des 5 fois 6272 jours de la vie de Jung autour du 4/4/44, j'ai pensé au sonnet Vocalisations de valeur 6272, et à un autre clone de Voyelles, le sonnet Prisme où Daniel Marmié a donné des couleurs aux 21 autres lettres. J'avais repéré la valeur 5555 de ce sonnet, et il m'est venu l'idée d'en faire 5 tercets de valeur 1111, dédié chacun à une des voyelles rimbaldiennes. Par ailleurs le sonnet comptait 120 mots, et conserver ce total permettait d'avoir une moyenne de 8 mots par vers, comme dans Vocalisations, et son nombre de lettres était un multiple de 5, 470, d'où la possibilité d'avoir des tercets identiques selon trois critères essentiels.
L'entreprise a cependant stagné malgré ces augures favorables. J'ai commencé vers avril 09 une ébauche des deux premiers tercets, et puis je n'ai pas retrouvé l'inspiration jusqu'à ce qu'un membre de la liste Oulipo mette en ligne un outil facilitant grandement l'élaboration de longues anagrammes.
Et voici donc MISPAR ("nombre" en hébreu), l'anagramme de PRISMA ("prisme" en espagnol par exemple), en vers isocèles de 40 espaces (d'où 120 par tercet) :

A noir, venu plombé du néant son trépas,
Origine des temps, morne et rené là-bas,
Unité du quatrain qui charme de ses pas.

E blanc, nanti d'un roi, vaine totalité,
Spore de franc natif ou de bannis vexés,
Tu si le père prétend l'onction prouver.

I rouge, sonnet sic, l'orange des ravis,
L'iota carné selon le marron des mercis,
Salant à son acmé l'ivresse sans whisky.

U jaune, nez ciré, vert comme le tribun,
D'un jeune cri bêlé remiser quel embrun,
N'y frimer ici ras colibris ricins brun.

O bleu, sel violin, ce pré perce les os,
Rime pleine d'azur forçant cinq numéros,
De mériter enfin six cents ans de repos.

En voici la lecture assistée par le Gématron, autre outil indispensable à sa fabrication:

A1 noir56, venu62 plombé63 du25 néant54 son48 trépas79,
Origine77 des28 temps73, morne65 et25 rené4213-bas22,
Unité69 du25 quatrain101 qui47 charme48 de9 ses43 pas36.
[1111]
E5 blanc32, nanti58 d4'un35 roi42, vaine51 totalité102,
Spore73 de9 franc42 natif50 ou36 de9 bannis59 vexés75,
Tu41 si28 le17 père44 prétend82 l12'onction90 prouver115.
[1111]
I9 rouge66, sonnet87 sic31, l12'orange60 des28 ravis69,
L12'iota45 carné41 selon65 le17 marron79 des28 mercis67,
Salant67 à1 son48 acmé22 l12'ivresse97 sans53 whisky95.
[1111]
U21 jaune51, nez45 ciré35, vert65 comme49 le17 tribun84,
D4'un35 jeune55 cri30 bêlé24 remiser87 quel55 embrun73,
N14'y25 frimer69 ici21 ras38 colibris87 ricins72 brun55.
[1111]
O15 bleu40, sel36 violin81, ce8 pré39 perce47 les36 os34,
Rime45 pleine61 d4'azur66 forçant77 cinq43 numéros105,
De9 mériter88 enfin48 six52 cents61 ans34 de9 repos73.
[1111]

Ce lien permet de vérifier ces harmonies sur le Gématron.
J'ai donné ici la version Gématron de mon anagramme de Vocalisations (à la fin du billet).

Je ne suis pas fier du résultat, où je ne retrouve pas l'inspiration qui a marqué mon anagramme de Vocalisations, composée en quelques heures alors que les contraintes en étaient plus sévères, mais c'est tout de même un résultat, plus de 20 mois après l'idée fondatrice.
Quelques éclaircissements :
- Il est possible de lire les 4 directions de l'espace dans l'acrostiche, AOU EST ILS UDN ORD. J'ai d'abord pensé aux formes canoniques, utilisant idéalement 15 lettres, mais ne permettant pas d'avoir les 5 voyelles A-E-I-U-O en tête des tercets.

- Unité du quatrain est une allusion à la quaternité (pas très maligne puisqu'il s'agit de tercets).

- La fin du second tercet est un hommage à Jacob-Abraham Soubira, poète prophète de Montcuq qui au début du 19e siècle a composé des poèmes gématriques sans aide informatique (jusqu'à preuve du contraire). Parmi diverses oeuvres à base de 666, une fantaisie de 1828 couvre les valeurs de 111 à 1111, dont voici la dernière strophe :
666 Enfin le prévôt d’Albion,
777 Et des pompes de Venise,
888 Ou le Nestor de l’irréligion,
999 Des vainqueurs de la Tamise,
1111 Prétend prouver l’onction.
- Au milieu du dispositif rimbaldien trône l'I qui est en grec ιωτα = 1111.

- Jeune dans le tercet du U (s'achevant sur la gématrie 4444) fait allusion à Jung; la proximité avec "jaune" m'a fait joindre (latin jungere) cette couleur primaire au vert de Rimbaud, comme celui-ci avait associé le violet au bleu. La logique me commandait de coupler l'orange au rouge I.

- Le dernier tercet, réalisant l'addition 480+120 = 600, fait allusion à mon travail sur la chronologie patriarcale, évoqué ici. Ce n'est pas par hasard si j'avais publié un 5 avril, 5/4, ces vieilles découvertes sur une quintessence biblique à base de l'âge type "120 ans", mais j'y avais été conduit en apprenant que le schéma numérique découvert plus de 20 ans plus tôt venait d'être publié en 2007. Y rejetant aujourd'hui un oeil, voir s'il n'y aurait pas de nouveaux échos, je constate que l'auteur se nommait Jeremy Northcote, un étonnant "côté nord" alors que mon idée d'utiliser les noms des 4 directions m'a conduit à un dernier tercet quintessentiel au N-ORD.

Le PRISME original de Marmié :
Et de mauve B en C vert-grisé : consonne !
En brun D, l'F or, G pourpre - et sentir l'Absence :
Rêvant, l'H ambre éclôt, J parme orne Impuissance,
K livide livre L incarnat qui frisonne.

M orange, N ivoire : en leurs miroirs, personne...
Du P carmin, si dérisoire l'innocence
D'un babil aboli ! Q safran - jaune essence ;
R opalin, docile S pers où rime assonne.

S'en vient le rose T, tercet flamboyant, Prisme
Pour V saumon, d'où se décrispera le trisme
Quand W cerise enfin pleure, et ce naît ;

Si bleu-marine est l'X, sache mes cris entendre,
Nicet Y roux, laissant Z ocre mais tendre
Du ton beau qui s'irise à l'Azur d'un Sonnet.

Ce sonnet Prisme achève le recueil de cent poèmes holorimes De la reine à la tour. Il est suivi de la signature Arthur Rimbaud, comme Vocalisations de Perec, et sa version holorime est attribuée à Mallarmé :

Et de mots veux béance et vers, grisé qu'on sonne,
Embruns des lais forgés pour pressentir l'Absence.
Rêve en la chambre éclos gît, par morne Impuissance,
Qu'à lit vide l'ivre Aile incarna, qui frissonne.

Emaux rangés, n'y voir en leurs miroirs personne !
Dupé, qu'arme ainsi dérisoire l'innocence
D'un babil aboli qu'eut sa frange - ô naissance,
Héros pâle, indocile, espère où rime assonne ;

S'en vient l'heure. Ose tes tercets flamboyants, Prisme,
Pour vaisseau, monde où se décrispera le trisme
Quand, double, vais ce ris enfin pleurer - ce n'est :

Cible marine hélix sache mes cris entendre ;
N'y sais, tigre écroulé, sans aide au creux m'étendre
Du Tombeau qui s'irise à l'Azur d'un Sonnet.

Cette version compte 536 lettres et la gématrie 6273, nombres qui me sont évocateurs.
6273 c'est 6272+1, et il serait facile d'obtenir cette valeur sans toucher au caractère holorime, et même en l'améliorant car frisonne de la version Rimbaud ne correspond pas exactement à frissonne de la version Mallarmé. Y enlever un S et ajouter un R à un participe passé du premier groupe permet d'obtenir 6272 en conservant 536 lettres, or 536 = 4 fois 134, tandis que 6272 m'a d'abord été significatif selon une lecture 62+72 = 134 correspondant à la gématrie d'ARSENE LUPIN, dont j'ai relevé de possibles cas d'application dans l'oeuvre de LEBLANC (l'E blanc ?).
Le premier de ces cas est particulièrement troublant car il est associé à un cryptogramme dont la solution implique une lecture homophonique des consonnes... Dans la nouvelle Herlock Sholmès arrive trop tard, le secret du château de Thibermesnil est contenu dans une mystérieuse formule transmise au fil des siècles : La hache tournoie dans l’air qui frémit, mais l’aile s’ouvre et l’on va jusqu’à Dieu.
Il s'agit des lettres H, R et L dans une inscription Thibermesnil sculptée dans la roche, qu'il suffit de manoeuvrer pour déclencher l'ouverture d'un passage secret.
La clef était aussi transmise par les nombres 2-6-12, rangs des lettres dans le nom. « Victoire ! Deux fois six font douze » avait raillé Lupin, or Thibermesnil est bien un mot de 12 lettres, étymologiquement réparti en deux groupes de 6 lettres :
THIBER (20+8+9+2+5+18) = 62 = ARSENE
MESNIL (13+5+19+14+9+12) = 72 = LUPIN

Je n'insiste pas davantage sur cette lecture du sonnet "Mallarmié" qui est plus qu'hypothétique. En fait je me demande si le problème "frisonne-frissonne" ne serait pas à prendre dans l'autre sens, et si "frisonne" dans le sonnet "Marthurmié " ne serait pas une coquille, avec un S oublié. Les autres rimes du sonnet, toutes riches, iraient dans ce sens.
Ceci serait encore une formidable coïncidence. J'ai déjà remarqué à quel point il était fabuleux que j'eusse été le 4e à proposer une anagramme du sonnet de Perec, à fournir donc en principe un 5e arrangement des mêmes 497 lettres de valeur 6272, alors que je devais découvrir 21 mois plus tard le schéma de 5 fois 6272 jours dans la vie de Jung. Cette magnifique harmonie était cependant tempérée par le fait que les autres auteurs avaient utilisé une version erronée du sonnet, où il manquait un S.
Il serait donc possible que l'harmonie gématrique de ce sonnet de Marmié, se suffisant à elle-même sans passer par le 4/4/44, fût une conséquence cette fois favorable de l'oubli d'un S...

Je voulais encore signaler que les Prismes de Marmié sont une exception dans son recueil. L'ampleur du projet lui a fait laisser de côté une règle de base de la poésie holorime : un même mot ne doit pas apparaître selon la même forme grammaticale dans les deux versions écrites. Cette règle est parfaitement respectée dans les 99 autres poèmes, essentiellement des distiques, dont je ne donnerai qu'un exemple, de circonstance :
A velu, l'E trou blanc, l'I rouge sang, bleu O,
Hâve l'U : le troublant lire où Je semble haut.


Note du 12/1/12: En "feuilletant" une critique de 1935 (signée H. de Bouillane de Lacoste et P. Izambard) d'une analyse de Voyelles de 1934 (signée Henri Héraut), j'y vois que ce Héraut avançait que Rimbaud avait pu signifier "frisons" en écrivant "frissons (d'ombelles)". Etonnant écho aux frisonnent-frissonnent de Marmié.

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