20.5.09

מגלת פרץ (meguilat peretz, le rouleau de Perec)

à Marylin R.

Lors de mes recherches sur Pourim 1946, j'ai découvert ce livre faisant état d'un résultat remarquable obtenu avec le "code biblique", procédé consistant à rechercher des messages verticaux dans la Bible, transcrite en lignes isogrammes, comptant un même nombre de lettres, l'informatique livrant presque instantanément toutes les possibilités.
John Buckley développe l'histoire de la supposée prédiction de l'exécution des 10 nazis pendus le 16 octobre 1946, soit le 21 Tishri 5707 selon le calendrier hébreu, et donne une matrice dont j'extrais ce "message", correspondant aux 6 lignes situées sous les 9 lettres des mots "et Aridatha", désignant le 6e fils d'Haman pendu, lorsque le texte d'Esther est écrit en lignes de 216 lettres de long.
Sous cette expression apparaît la date "21 Tishri", en lettres blanches dans des ovales bleus, et Buckley a également souligné les 3 premières lettres de ARIdatha, en les entourant de losanges, pouvant se lire "aryens" en hébreu.
Il indique que la probabilité pour que la date "21 Tishri" apparaisse ici est de moins d'une chance sur un million, ce qui semble impressionnant mais ne signifie pas grand-chose.
D'autres ELS (Séquence de Lettres Equidistantes) sont présentes, comme "707", encore, "pendus", "Amalec", l'ennemi traditionnel des Juifs, dont Haman est un descendant, ce qui fait dire à Buckley que seul Dieu, dans Son infini pouvoir, a pu faire que toutes ces informations fussent encodées dans le chapitre 9 d'Esther. Je suis outré chaque fois que je vois de telles affirmations sur le code biblique, parce que je sais qu'aucun livre biblique n'existe dans une version unique, qui de plus aurait été transmise lettre pour lettre siècle après siècle, et que je sais surtout que cette information est aisément accessible à quiconque aborde la question sans oeillères, et c'est à tel point connu que les mathématiciens à l'origine du code biblique ne l'ont vu fiable qu'à l'intérieur de courts passages bibliques, avec des sauts n'excédant pas une vingtaine de lettres.
Ainsi un message obtenu avec un saut de 216 lettres ne démontrera qu'il est divin qu'à ceux qui sont déjà assurés que le texte dont il provient est d'origine divine. Ceci dit, je me suis intéressé à ce cas pouvant se révéler une synchronicité, car le procès de Nuremberg a couvert 216 journées d'audience, nombre par ailleurs intéressant (6 au cube, que j'ai vu associé à une autre remarquable curiosité dans le domaine hébreu). Cependant je n'ai pas réussi à retrouver le résultat annoncé avec le logiciel gratuit que j'utilise, et voici les conclusions auxquelles je suis arrivé:
- Ce ne sont pas les logiciels qui sont en cause, mais les bases de données qui y sont associées, ainsi j'ai appris ici que le Livre d'Esther compte 12111 lettres selon Computronic, 12112 lettres selon Codefinder, et mon propre logiciel Torah4u en compte 12113.
- Les différentes versions pourraient correspondre aux 3 principaux textes numérisés aisément accessibles, le codex d'Alep, le codex de Leningrad, et la Bible de Berlin (les deux plus anciens manuscrits complets de la Bible, et sa première édition imprimée, très proche du codex d'Alep).
- Le résultat présenté ci-dessus est compatible avec le texte du codex de Leningrad.

Il ne faut pas s'imaginer que les textes de 12111, 12112 et 12113 lettres ne diffèrent que d'1 ou 2 lettres. Ainsi, en vérifiant la validité du message "21 tishri" dans le codex de Leningrad, j'ai repéré, en l'espace d'environ 500 lettres, au moins 8 différences avec la Bible de Berlin, avec jusqu'à 3 différences dans un même verset, ce qu'on pourra vérifier ici (comparer WLC consonants only et Aleppo Codex).
S'il ne s'agit ici que de différences orthographiques, ce serait encore un acte de foi d'imaginer que les variantes bibliques ne soient que de ce type, mais les seules variantes orthographiques sont suffisantes pour disqualifier toute prétention à décoder un message millénaire, car aucune de ces principales sources n'a de statut privilégié par rapport aux autres, au sein même du judaïsme.

Si je savais cela avant qu'il fût question de code biblique, je suis effaré de découvrir que les éditeurs de logiciels n'ont pas réussi à s'accorder sur une source unique, alors qu'ils sont les premiers à affirmer la fiabilité de la transmission du texte biblique. Je me demande jusqu'où la duplicité a pu aller, car si le résultat sur le livre d'Esther selon le codex de Leningrad est magnifique, l'éditeur de ce logiciel a-t-il pu fournir un texte où ne figure pas la prédiction la plus fameuse du code ? car dans le codex de Leningrad "Yitzhak Rabin" ne croise pas avec le verset parlant d'assassinat.

La recherche sur Esther et le code biblique m'a amené à une autre sidération. Le grand précurseur du code est le rabbin Weissmandl, qui a recopié la Torah sur des fiches et fait les premières découvertes, publiées après sa mort en 1957. Il vouait une attention particulière au livre d'Esther et à ses 12111 lettres (dans sa version de la Bible du moins), ce qui l'a mené à des découvertes qui semblent inconcevables en son temps, sans l'aide de l'informatique qui permet aujourd'hui de les vérifier.
Le mot esther apparaît une seule fois dans la Torah, en Gn 4,14 où il s'agit du verbe "je serai caché" (!) employé par Caïn s'adressant à Dieu. Or le livre d'Esther se dit en hébreu meguilat esther, et il existe une seule occurrence des 4 lettres du mot meguilat lu toutes les 12111 lettres, et elle commence sur le premier mem non final de ce même verset Gn 4,14. Torah4u permet de retrouver ce résultat, avec ici le début du verset, le mot vertical meguilat se lisant à partir de la 14e lettre mem, et esther à partir de la 31e lettre, encadré en rouge :
Ceci pourrait ne représenter qu'une curiosité ponctuelle, mais Weissmandl aurait fait une découverte encore plus frappante, en utilisant toujours le découpage de la Genèse en lignes de 12111 lettres. L'ennemi traditionnel des Juifs est Amalec, dont le vil Haman est explicitement un descendant dans le livre d'Esther, or le nom Amalec n'apparaît que 2 fois en clair dans la Genèse, en Gn 14,7 (où il s'agit en fait du mot "Amalécite", "de la race d'Amalec"), et en Gn 36,12.
Il existe une seule ELS "Amalec" de distance 12111, elle démarre de la première lettre de "Amalécite" en clair, et s'achève sur la dernière lettre de "Amalec" en clair...
Ce tableau issu de Torah4u montre les 3 seules occurrences dans la Genèse des 4 lettres formant Amalec, avec les ELS 1 (soit en clair) et 12111.
J'avoue avoir la plus grande peine à croire que ces résultats aient pu être obtenus sans l'aide de l'informatique, mais il y a bien des choses que j'ai peine à croire et qui sont néanmoins avérées.
Note de 2018: Un léger bémol à ceci. Il y a en fait une autre occurrence de "Amalec" en Gn 36,16, et je comprends mal comment elle a pu m'échapper en 2009, où je n'aurais certainement pas essayé de falsifier un résultat qui demeure fabuleux. Par ailleurs, il semble que, si Weissmandl a bien trouvé le couplage meguilat Esther, ce soit ses continuateurs informatisés qui aient découvert l'ELS "Amalec".

Le nombre 12111 m'est évocateur, en le scindant en 121-11, car 121 est le carré de 11, et Perec, né le jour de Pourim, fête instituée par le livre d'Esther, Perec élevé par sa tante Esther, Perec est l'auteur d'Alphabets, dont chaque chapitre est constitué de 11 poèmes de chacun 121 lettres.
La plasticienne Marylin Rolland a travaillé sur Alphabets, résumant notamment ses 176 poèmes à leurs 176 lettres centrales, figurées ici en fils fluorescents et phosphorescents.
Dans le texte complet d'Alphabets, les rangées de ce tableau correspondent à des ELS de distance 121, 11 au carré, et les colonnes à des ELS de distance 121x11, 11 au cube. Marylin a souligné les lettres EARS OTO débutant la 14e rangée, les lettres centrales des 7 premiers poèmes du chapitre x du recueil, car ears est le pluriel de l'anglais ear, « oreille », et oto est le génitif du grec oûs, « oreille » encore.
Je remarque aujourd'hui qu'il y a plusieurs façons de lire dans le tableau l'ELS oor, « oreille » en néerlandais, notamment sous EARSOTO, et probablement de multiples autres possibilités, qui, de par la construction du tableau, correspondront dans le recueil à des ELS multiples de 121, 11 au carré.
Or en hébreu « oreille » se dit ozen, qui dans cette translitération la plus courante est l'anagramme de onze, le nombre fétiche de Perec. Son obsession pour le 11 a été reliée à la déportation de sa mère, Cyrla ou Cécile, partie dans un convoi pour Auschwitz le 11 février 43. On trouve quelques 43 explicites dans l'oeuvre de Perec, et une cohorte de néo-kabbalistes s'est attachée à en découvrir cachés entre les lignes, jusqu'au multiple 473 = 11x43, ainsi Dominique Bertelli n'a pas vu un hasard dans le je me souviens 474
Je me souviens de Caroline chérie (le livre et le film).
en 11 mots et 43 lettres juste après le 11x43 fatidique. Le roman est de Cecil Saint-Laurent, et Caroline a été interprétée par Martine Carol, laquelle a un temps habité le même immeuble que Perec, adopté par son oncle David Bienenfeld et sa femme Esther.
Et voici donc la raison du titre de ce billet, le mot hébreu meguilat, forme construite de meguila, "rouleau", que Weissmandl a découvert miraculeusement en ELS 12111 débutant dans le seul verset de la Torah où est présent le mot esther, meguilat a donc pour valeur dans le système numéral hébreu 473.

Et meguilat esther a pour valeur 473+661 = 1134. L'exégèse perecquienne admet volontiers l'équivalence des renversements des nombres significatifs, ainsi le grand spécialiste Bernard Magné voyait les 11 rubriques des fascicules 3-4 du BILL coder la date fatidique.
J'ai découvert un 473 exemplaire dans un poème de Perec, mais il me semble surtout devoir signaler que c'est probablement grâce au 43e personnage de JR. Tentative de saturation onomastique (en ligne ici), suite de 73 brèves notices concernant des personnages plus ou moins fictifs d’initiales JR, écrite par Perec en hommage à Jacques Roubaud, que j'ai remarqué la similitude entre les 11 pendus de Suse dans le livre d'Esther et les 11 condamnés de Nuremberg. Ils montèrent sur l'échafaud selon leurs rangs dans l'état nazi, et, le suicide de Göring lui ayant épargné cette mort humiliante, le premier pendu fut Joachim Ribbentrop, modèle du 43e JR, le chirurgien toulousain Jules Ribenmoins (et la forme allemande de Jules est Julius, le prénom même de Streicher).

Pourrait-il exister un rapport entre les oreilles et Pourim ? Ouïe, car une des spécialités des festivités du 14 adar est les gâteaux nommés oreilles d'Haman, dont se délectent ici Assuérus, Mardochée, et Esther.
Tiens, les initiales de ces trois personnages sont A-M-E, et le morceau de bravoure de La vie mode d'emploi est le compendium du chapitre LI, où Perec a inscrit dans 3 strophes de 60 vers de 60 espaces typographiques chacun 3 diagonales écrivant 60 fois le mot AME.
Pour la petite histoire, ce jeu qui ne fait aucun doute a été perturbé par de petites erreurs éditoriales, si bien que ce qu'avait exactement écrit Perec reste à ce jour inédit pour le grand public. On peut y voir une analogie avec les ELS bibliques, étroitement dépendantes des variantes textuelles.
Perec a semblé étonné lorsqu'on lui a fait remarquer que les 3 premiers vers du compendium s'achevaient sur les lettres A-M-E. En examinant la question sous l'angle des ELS, je constate que ce cas est une ELS de distance 60, tandis que les A-M-E des diagonales forment 60 ELS de distance 3600, 60 au carré. Ci-dessous les 3 premiers vers de chaque stophe, avec les lettres sensibles soulignées :
cliquer agrandit l'âmeSans préjuger d'une quelconque volonté effective, je constate la parfaite adéquation d'un même procédé répété aux échelles 1 et 60 avec l'idée du jeu 70-11 dans le livre d'Esther, permis par l'emploi dans le système sexagésimal babylonien d'un même signe cunéiforme pour désigner 1 et 60. Les strophes de 60 vers du compendium sont subdivisées en sections de 10, sous-unité du système babylonien.
S'il semble que Perec ait composé le compendium en pensant à sa mère Cécile, il est remarquable d'y trouver une structure pouvant évoquer le livre d'Esther, alors que sa mère adoptive (ou plutôt légalement tutrice) a été sa tante Esther. A remarquer que les deux premières lettres du nom hébreu sont alef et samekh, de valeurs 1 et 60.

En cherchant une attestation sur la toile de la forme ozen pour "oreille", une des premières pages qui s'est présentée est un texte du rabbin Pauline Bebe sur l'écoute, shema en hébreu (les paroles s'envolent, les shema restent).
Je remarque dans cette belle "homélie" de la première femme rabbin en France l'évocation de l'impossibilité du dialogue entre Caïn et Abel, menant au premier meurtre; c'est dans la dernière parole de Caïn que figure le mot esther, comme vu plus haut.

J'ai déjà parlé de la lecture EARSOTO sur cette page, où j'étudie les curiosités liées dans Alphabets au rapport √2 (1.414...) ou 1/√2 (.707...). La coïncidence entre .707 (ou 0,707) et 707, la valeur des petites lettres dans les noms des pendus de Suse, peut jouer dans les deux sens, d'une part ces noms formant le côté d'un carré dans certaines bibles, d'autre part Perec étant concerné par les atrocités nazies.
Le mot clé lié à ces curiosités était OURS, or le nom complet du rabbin Weissmandl contient le mot Ours (Dov en hébreu, Ber en Yiddish).

Pour écrire ce billet j'ai eu besoin de rafraîchir mes souvenirs sur le code biblique, en relisant notamment le fameux article ayant initié l'affaire, publié dans une revue "sérieuse" de statistiques, démontrant que les vies des plus grands sages de l'histoire juive étaient inscrites dans le livre de la Genèse.
S'il est impossible au profane (en statistiques et en patrologie judaïque du moins) de discuter la validité de cette "démonstration", j'ai été frappé que le premier exemple du code donné par les auteurs soit le croisement des mots "marteau" et "enclume" au chapitre 50 de la Genèse, versets 8-10 :
Patish, "marteau" souligné par des ovales, correspond ici à l'ELS de moindre distance -24, tandis que sadan, "enclume", dans les carrés rouges, est une ELS de distance -5; il existe un meilleur cas de distance 3; j'ai aussi indiqué par des : bleus les fins des versets 8-10.
Je rappelle que c'est un autre mot hébreu pour marteau, mappets, qui est à l'origine de mes investigations bibliques, lesquelles m'ont mené à Esther et à l'oreille, or le marteau et l'enclume sont aussi des osselets de l'oreille...

Ce 29 mai où j'achève ce billet, j'ai procédé peu avant à un exercice stimulant, la résolution des mots croisés en ligne du Monde. Voici la grille du jour (datée du lendemain selon l'étrange coutume du journal), avec un 4 vertical qui m'a réjoui :

Peaufinant ce billet, et cherchant une page donnant l'article de Statistical Science (jadis disponible en traduction française), je n'ai trouvé que cette réfutation parue dans la même revue, s'adressant à des mathématiciens chevronnés. J'ai plus apprécié cette page où le debunker Dave Thomas découvre dans un court extrait du second livre de Michael Drosnin la "prophétie" que lui DT va pulvériser à coups de marteau ce nouvel opus, avec différentes ELS dont la plus remarquable totalise 11 lettres, DTHAMMERMAN.

12.5.09

chasse à Chas

à D.G.

C'est le 8 mai que j'ai découvert l'association du jeu babylonien 70-11 à l'atbash par Mark Leuchter, et au livre d'Esther par JJ Glassner, ce qui m'a conduit au billet précédent, évoquant ma page de 2002 Baruq-Uqbar.
Utilisant au maximum les possibilités de Blogger, j'ai débuté ce précédent billet le 11 à 11:07 (se renversant en 70:11), sa date de publication indiquée quel qu'en soit l'achèvement effectif.
La veille, le dimanche 10, j'ai regardé Inspecteur Lewis sur FR3, qui remplace depuis quelques semaines Inspecteur Barnaby, dont l'épisode Les noces de sang, jouant sur les anagrammes, diffusé le 7 septembre dernier, a joué un rôle dans le cheminement qui m'a conduit à la découverte fondatrice de ce blog.
Voici qu'il s'agit dans cet épisode de Lewis, De l'autre côté du miroir, du meurtre d'une jeune femme commis avec un éclat d'un miroir persan brisé, et l'assassin a barbouillé avec le sang de la victime le mot UQBAR sur un papier laissé à côté d'elle.

Les enquêteurs déchiffrent d'abord UQBARA, jusqu'à ce qu'un érudit leur signale la nouvelle de Borges, Tlön Uqbar Orbis Tertius. Je n'en avais pas eu besoin, et avais aussitôt relié le modus operandi du meurtre à une fameuse citation de Borges, précisément issue de cette nouvelle :
Bioy Casarès se rappela alors qu'un des hérésiarques d'Uqbar avait déclaré que les miroirs et la copulation étaient abominables, parce qu'ils multipliaient le nombre des hommes.
Il ne sera cependant pas question dans l'épisode de cette citation, ni du miroir dans l'oeuvre de Borges.

La série Inspecteur Lewis est fondée sur un principe intéressant, non sans rapport avec la spécularité, car Lewis était dans la série Inspecteur Morse (1987-2000) l'adjoint et faire-valoir de Morse, enquêteur oxfordien extrêmement raffiné. Devenu inspecteur en chef, le toujours plébéien Lewis est assisté de l'intello Hathaway, qui lui est plus utile que lui-même ne l'était à Morse, mais c'est l'expérience de Lewis qui prime dans la résolution des énigmes.
La série Morse ne manquait pas de subtilités, ainsi son thème laissait entendre le nom MORSE en morse, et le compositeur Pheloung s'amusait à introduire dans la musique propre à chaque épisode le nom du coupable, toujours en morse... C'est le même Pheloung qui écrit la musique de Lewis...

Il pourrait y avoir des finesses d'un autre ordre dans cet épisode, dont le titre original est celui d'une oeuvre d'un autre Lewis (dont l'inspecteur ignore tout), The allegory of love, et le meurtre suivant est commis avec l'Epée de Vérité, l'épée inspiratrice de CS Lewis lors de l'écriture du Monde de Narnia, conservée dans le pub d'Oxford Eagle & Child qu'il fréquentait.
La victime prévue du premier meurtre au miroir était une certaine Alice, claire allusion à un autre célèbre écrivain oxfordien ayant "Lewis" chevillé au corps, Lewis Carroll... Le titre français de l'épisode offre ainsi une magnifique "traduction" accessible à un public connaissant certainement mieux De l'autre côté du miroir que The allegory of love.

Il y a deux acteurs connus parmi la cohorte des suspects, Art Malik et James Fox. Je savais que ce dernier avait joué dans un film réputé borgésien, Performance de Donald Cammell et Nicolas Roeg (1970), mais j'ignorais que l'image de Borges y apparaissait dans un miroir brisé.
J'ai essayé de regarder jadis ce film à la TV, et n'ai pu aller bien loin. Je ne peux donc guère en parler, remarquant tout de même qu'il s'agit d'un affrontement entre deux personnages incarnés par des acteurs aux noms prédestinés, surtout en Angleterre où la chasse au renard est une institution, Jagger ("chasseur") et Fox ("renard"). Les noms des personnages, Chas pour Fox et Turner pour Jagger, semblent renverser leurs rôles, comme leurs présentations publicitaires :


J'abandonne Performance pour revenir au facteur déclenchant, UQBAR survenu 2 jours après que des circonstances tout à fait indépendantes m'aient rappelé ma page Uqbar-Baruq. J'ai remarqué ce commentaire sur l'épisode, dans le journal The Mirror, précisément :
The mystery started with a Bosnian escort girl murdered with a 16th century Persian mirror. You don't get that in The Bill.
Soit, grosso modo : Une bosniaque assassinée avec un miroir persan Uqbar, on ne voit pas ça dans The Bill. Après investigation, The Bill est une série policière anglaise très populaire, et j'ai pris cette peine parce que la transformation de Uqbar en Baruq apparaît dans un BILL, précisément, dans le Bulletin de l'Institut de Linguistique de Louvain, imaginé par Perec dans La vie mode d'emploi.
Curieusement, l'article Uqbar de Wikipédia indique que c'est dans la nouvelle de Borges qu'apparaît ce BILL et la rubrique de Boris Baruq Nolt. Sans tenter de comprendre comment cette aberration s'est produite (les infos du net et d'ailleurs doivent toujours être recoupées), je trouve amusant de la voir concerner le mot baruq, possible autre translitération de baruk, "béni" en hébreu, que Perec prétendait hors de toute réalité être équivalent à son nom :
Beretz, comme Baruk ou Barek, est forgé sur la même racine que Peretz — en arabe, sinon en hébreu, B et P sont une seule et même lettre. (W ou le souvenir d'enfance)
Le titre original, The allegory of love, l'allégorie de l'amour, se révèle être précisément le mot Uqbar. Il est encore amusant que, narcissiquement peut-être, l'allégorie de l'amour selon Perec aurait pu être Stella Baruk, qu'il a courtisée quelque temps avant d'être gentiment éconduit par la mathématicienne (une Stella-étoile-astre-esther dans la constellation Uqbar-Baruq !...)
La seconde victime, l'écrivain Dorian Crane, a pour mot de passe de son ordinateur UQBAR-82, le mot clé et son année de naissance... qui est aussi celle de la mort de Perec.
Il faut passer tôt ou tard
Il faut passer en Uqbar...

Contrairement à ce qui se passe dans nos séries policières françaises, où la guest star est quasi systématiquement l'assassin recherché, le coupable n'est ici ni Art Malik, ni James Fox.
Il sera beaucoup question dans le prochain billet des ELS, Equidistant Letters Sequences, Séquences de Lettres Equidistantes dans un texte donné. J'ignore si c'est voulu, mais ce sigle ELS est soi-même une ELS dans l'alphabet, de distance 7 (ces lettres ont les rangs 5-12-19) et je remarque que FOX est l'une des rares ELS de ce type (lettres de rangs 6-15-24, distance 9).
L'écriture de l'alphabet en rangées de 8 lettres montre un joli cousinage de ELS et FOX :Tiens, au sommet de cette ziggourat alphabétique il y a EF = 11 (5+6), et aux étages inférieurs LOSX = 70, rappelant le jeu babylonien 11-70
Enfin fox, c'est "renard", et mes enquêtes sur la spécularité m'ont mené, à partir d'une coïncidence entre les oeuvres de Darren Aronofsky et de Bernard Werber, à remarquer que le prénom du second était à l'initiale près l'anagramme du prénom du premier, lui-même anagramme de "renard".
Ceci m'a conduit à intituler du palindrome drenarBranerd la page concernée (et non dranerBrenard, parce que l'arbre était un lien entre Darren et Bernard).

Note du 31/5 : EB, lecteur de ce billet, m'a signalé que le nom du principal réalisateur de Performance, ROEG, avait été employé dans le Grand Palindrome de Perec, dans l'édition originale du moins, où le corps du texte est inséré entre les en-tête et signature :
9691
EDNA D'NILU
O. MU. ACERE. PSEG ROEG
(...)
Georges Perec,
Au Moulin d'Andé, 1969
On trouve le Grand Palindrome à plusieurs noeuds de la toile, le plus séduisant étant assurément
http://graner.net/nicolas/salocin/ten.renarg//:ptth
adresse palindrome d'un presque "draner-renard", prénommé Nicolas comme Roeg.
Le nom du co-réalisateur, Cammel, m'avait évoqué le "souvenir d'enfance" de Perec, qui aurait été un gammeth ou gammel, mais le graphisme de la lettre hébraïque gimmel ne correspond en rien au prétendu souvenir de Perec (ci-dessous à droite). Les spécialistes se sont avisés que ce dessin était fort proche du G qu’il utilisait comme signature, mais vu dans un miroir, latéralement :


Quelques vidéos, avec toutes en commun la présence de James Fox (qui n'est autre que le père de Laurence Fox, l'assistant de Lewis) sur l'image de présentation. D'abord la bande annonce de Performance :


Un extrait, débutant par la splendide musique de Ry Cooder, qui a peut-être donné des idées à Wim Wenders, et s'achevant sur une lecture de Borges par Mick Jagger :



Une partie d'un commentaire sur Performance, montrant notamment la séquence où apparaît l'image de Borges dans le miroir brisé :


Les blues de Performance m'ont rappelé qu'un autre grand rôle de James Fox avait été celui du lord dans The Servant, de Losey (1963), autre grande opposition entre deux hommes, dont les rôles de maître et valet s'intervertissent... Ce que je me rappelle le plus est la présence de Davey Graham, disparu en décembre dernier. Ce billet est dédié à sa mémoire.

11.5.09

les pendus bizarres

à Christine E.

Continuant mes recherches sur l'atbash, je suis tombé ici sur une intéressante hypothèse. L'atbash Sheshakh pour Babel apparaît dans le chapitre 25 de Jérémie, où il est d'abord question des 70 années où les Juifs devront subir l'oppression de Babylone, or ce renversement pourrait être analogue à un jeu courant babylonien, dont témoigne l'inscription d'Esarhaddon, évoquant un désastre devant durer 70 ans, mais Marduk aurait inversé les deux signes cunéiformes formant 70, devenant 11.
Selon le prof Mark Leuchter, les Juifs déportés à Babylone auraient assimilé ce jeu, comme ils ont assimilé une bonne part de la mythologie babylonienne (la création, le Déluge, etc.), et il se trouverait transposé en hébreu dans l'oracle de Jérémie, donnant à entendre que la clémence de Dieu pourrait écourter les 70 ans annoncés. Le jeu sur les nombres n'étant pas directement transposable, l'écriture de "Babel" à rebours n'étant pas utilisable (elle donne lebab, "coeur"), on aurait trouvé cette correspondance dans un alphabet pris à rebours.
Le jeu original est expliqué en détail ici par Jean-Jacques Glassner, pour une autre hypothèse :

On retrouverait donc le même jeu dans le livre d'Esther, lequel est si imprégné de culture babylonienne que ses héros juifs se nomment Esther et Mardochée, où se reconnaissent Ishtar et Marduk, les principaux dieux babyloniens. A l'instar de la clémence de Marduk, c'est Mardochée qui est à l'origine de la lettre royale expédiée le 23 du 3e mois, 70 jours après la lettre du 13 du 1er mois, à l'initiative d'Haman, ordonnant l'extermination de tous les Juifs le 13 adar, 11 mois plus tard.
Je ne vais pas discuter les points de vue de ces spécialistes, me bornant à remarquer que leurs hypothèses se soutiennent mutuellement.
Je réagis particulièrement à l'idée d'un jeu palindrome sur le nombre 11 dans le livre d'Esther, parce que j'ai découvert en 2002 que le jour de la naissance de Georges Perec, le 7 mars 1936 à 21 h, correspondait dans le calendrier hébraïque au début du 14 adar 5696, soit à la fête de Pourim, commémorant les réjouissances ayant suivi la victoire des Juifs sur leurs ennemis le 13 adar 3405, la réalité des faits et de leur datation n'étant pas mon problème.

Je m'émerveillais donc ici de voir Perec lié au livre d'Esther, où apparaît cette disposition unique dans la Bible hébraïque, pour les versets 9,7-9:
J'ai fusionné ici le texte d'Esther donné pages 124 et 126 de l'édition Colbo de 1987, ISBN 2-85332-094-4
On y voit dans la colonne de droite le dernier mot du verset 6, ish, "homme", censé désigner Haman, pendu plus tôt sur le gibet qu'il avait préparé pour Mardochée, suivi des noms de ses 10 fils, tués le 13 adar; dans la colonne de gauche, 10 fois la conjonction we'eth, "et", et le premier mot du verset 10, assereth, "dix" (fils d'Haman...) La tradition voit Haman et ses 10 fils avoir été pendus l'un au-dessous de l'autre sur le gibet de 50 coudées de haut.
Je m'émerveillais parce que la disposition fait apparaître un carré avec un blanc central, de 11 lignes de hauteur, or le carré, le "manque" et le nombre 11 sont essentiels dans l'oeuvre de Perec, dont notamment le recueil Alphabets est constitué de 176 carrés de 11x11 lettres, l'immeuble de La vie mode d'emploi correspondant à un carré bi-latin est sis 11 rue Simon-Crubellier.
Je m'émerveille à nouveau en apprenant la possibilité d'un jeu palindrome dans le livre d'Esther, ou anadrome pour employer le terme exact, alors que c'est une autre spécialité de Perec, et le jeu original est de plus basé sur le nombre 11, le premier nombre palindrome non trivial en chiffres arabes.
Je m'émerveille encore plus en constatant que mes considérations sur la date de naissance de Perec étaient intégrées à une page nommée baruq, en référence au prétendu auteur Boris Baruq Nolt mentionné dans La vie mode d'emploi, nom obtenu par divers jeux palindromes sur les 3 premiers éléments du titre de la nouvelle Tlön Uqbar Orbis Tertius, de Borges. Perec a inversé l'ordre des deux syllabes uq-bar pour en faire bar-uq, de même que Marduk avait joué avec les deux signes cunéiformes écrivant 11 et 70.

J'achevais cette page ainsi :
Il est ahurissant de constater que le procès de Nuremberg s’est soldé par la condamnation au gibet de 11 chefs nazis, et que le schéma 1-10 du récit d’Esther s’est matérialisé dans l’Histoire avec son grand nœud coulant : l’accusé vedette Göring a réussi à se suicider la veille de la pendaison, les autres 10 sont montés sur le gibet le 16 octobre 46.
En 2002 je ne sais si les infos disponibles aujourd'hui en ligne ne l'étaient alors pas, ou si je n'ai pas été capable de les découvrir, toujours est-il que mon renouveau d'intérêt m'a mené à ceci :
- Lors de la pendaison des chefs nazis, celui qui s'est le plus exprimé est Julius Streicher, qui a notamment crié Purimfest 1946, “(Voici la) fête de Pourim 1946”
- Les noms des fils d'Haman présentent des anomalies typographiques, diverses selon les traditions. Selon l'une d'elles, 3 lettres seraient plus petites que la normale, et la valeur numérique de ces 3 lettres 707 correspond dans le calendrier hébreu à l'année de la pendaison des nazis, 16 octobre 1946 = 21 tishri (5)707 !
Il convient d'étudier ça avec un minimum d'objectivité, ce qui n'est pas le cas de la plupart des pages présentant ces faits, y voyant la preuve de l'omniscience divine. Cette page discute cependant raisonnablement la question, en donnant d'abord le dossier de Moshe Katz dans CompuTorah, le livre qui a initié l'affaire en 1996.

S'il ne semble pas douteux que Streicher ait bien proféré Purimfest, ce n'est pas la seule chose qu'il ait dite, et il n'a pas été le dernier à passer sur l'échafaud, comme l'affirment certains, laissant entendre...et les 10 fils d'Haman pendus au gibet que l'exécution s'est achevée sur le cri Purimfest 1946 !, qu'une puissance supérieure aurait forcé dans la bouche de Streicher.
Or l'allusion à Pourim n'a rien d'étonnant en soi, puisque quiconque connaît un peu le livre d'Esther peut faire le rapprochement entre la pendaison des 10 fils d'Haman et celle des 10 nazis, comme je le faisais en 2002, et Streicher était aux premières loges... S'il n'était évidemment pas obligatoire qu'un des condamnés exprime ouvertement ce rapprochement, les dernières paroles de Streicher témoignent de sa non-repentance : il a ensuite prophétisé à ses bourreaux qu'ils seraient un jour à leur tour pendus par les Bolcheviks.
Si le rapprochement est donc immédiat, sans connaissances particulières, qui connaît un peu mieux la tradition juive ne peut qu'être frappé par une stupéfiante corrélation : dans chaque cas 11 hauts responsables sont tués, dont le principal est mort avant les autres (Haman est vu pendu avec ses 10 fils, et le corps de Hermann Göring, bien que suicidé la veille, a été amené sur le lieux de l'exécution, et placé entre les deux échafauds utilisés, après la pendaison des 10 autres condamnés).
Mieux encore, cet ancien conte narre l'oppression des Juifs de Beyrouth par un Pacha, jusqu'à ce qu'il rêve d'un gibet où sont pendus Haman, ses 10 fils, et une 12e corde libre, celle qui lui est destinée s'il persiste dans sa vilenie. Un 12e accusé a été condamné à mort à Nuremberg, in absentia (par contumace), Martin Bormann.

Le problème des anomalies typographiques de la Bible est délicat. La massora, ensemble de règles codifiant la copie des écrits bibliques, a noté voici plus de 1000 ans ces anomalies sans les expliquer. Elles concernent quelques dizaines de lettres dans toute la Bible, avec une concentration remarquable pour ces noms des fils d'Haman; l'initiale du dernier est un grand waw, supposé représenter le grand gibet, ou ce dernier pendu qui tente d'allonger ses jambes vers le sol; six lettres sont notées comme pouvant être "petites", mais les traditions actuelles de calligraphie de la Meguila ("rouleau", désignation du livre d'Esther) ne semblent prendre en compte que quatre de ces lettres, ce qui donne tout de même lieu à trois variantes.
J'avais illustré la page sur Perec mentionnée plus haut avec l'édition imprimée la plus courante de la Bible (dite "Bible de Berlin"), où il y a une 4e petite lettre en sus des taw-shin-zayin ci-dessus, et où donc la somme prophétique 707 n'apparaît pas (elle devient 1107).
La première illustration donnée dans ce billet vient de l'édition bilingue commentée Colbo, Esther (1987), où les 3 petites lettres de valeur 707 sont seules présentes.
Mon illustration suivante provenait de cette page qui donne deux autres représentations de la pendaison des fils d'Haman, issues de rouleaux d'Esther visiblement anciens, et chacune d'elles offre la version "707". Sur ces trois illustrations, comme cette autre ci-contre, les lettres concernées sont minuscules au point d'être à peine lisibles
Dans la tradition yéménite, le zayin est normal, et la somme 700.

Les tenants de l'hypothèse divine omettent volontiers ces divergences, fort gênantes car comment interpréter le message sacré s'il se présente sous plusieurs formes ? Nous verrons dans un prochain billet qu'il y a bien plus grave, puisque les divergences touchent au texte même, et pas seulement à la manière de calligraphier certaines lettres, ce qui réduit à néant les prétentions à lire au moyen du "code biblique" des messages inscrits par Dieu dans un texte n'ayant pas varié d'un yod depuis 2 ou 3 millénaires.
Il n'est en revanche guère souligné un argument favorable, peut-être parce qu'évident pour les hébraïsants. Les 3 minuscules taw-shin-zayin (תשז) ne sont pas seulement des lettres dont la somme est 707, mais, dans l'ordre exact, le nombre 707 lui-même (תש"ז) selon la numération traditionnelle, toujours utilisée aujourd'hui pour numéroter les versets bibliques et les années hébraïques. C'est ainsi que les contemporains ont désigné l'année ayant débuté le soir du 25 septembre 1946, mais un texte écrit voici plus de 2000 ans aurait pu donner la date plus précise 5707, soit ה'תש"ז.
Certains suggèrent que, justement, ce 6e millénaire est indiqué par le grand waw, de valeur 6, mais, si Dieu voulait se faire parfaitement comprendre, il aurait dû employer le he de valeur 5 effectivement utilisé dans la date 5707 (ה'תש"ז) . Je remarque que, dans la succession des 4 anomalies de la version 707 (
תש
ו

ז
), le grand waw apparaît à l'endroit exact où un signe indiquerait que la séquence תשז est un nombre (תש"ז) .
D'autres arguments mineurs sont donnés, frisant parfois la contre-vérité. Après la mention de la mort des fils d'Haman, le 13 adar, le roi accorde un voeu à Esther, qui lui demande que les 10 fils d'Haman soient pendus le lendemain à la potence (Est 9,13). Or ils étaient déjà morts, et les zélateurs (ici en français) utilisent la masse des midrashim (commentaires bibliques couvrant des milliers de pages) dont l'un énonce qu'il y a deux demains, celui du futur proche et celui de l'avenir tardif, et un autre que ces 10 fils d'Haman sont 10 autres fils, pour en déduire que la demande concerne les 10 nazis pendus en (5)707...
J'ai le second midrash en français, Meam loez, où ces 10 autres fils d'Haman n'apparaissent que très brièvement, en toute dernière hypothèse:
D'autres (Yalqut Chim'oni Esther, 1059) disent que la demande d'Esther concernait 10 autres fils d'Haman, qui en avait un grand nombre.
C'est tout, rien avant ou après ne suggérant qu'il puisse s'agir de descendants d'Haman dans le futur.

Note de décembre 2018: Charles Frydman, responsable du site Exegesis, s'est demandé ce qu'il en était des lettres spéciales dans le codex de Leningrad, le plus ancien manuscrit complet de la Bible connu (1008).
  Les grandes et petites lettres sont inconnues dans ce manuscrit, et voici comment y apparaît le passage en question, ce qui pose pas mal de questions.
- Ces fantaisies sur les lettres sont-elles un ajout tardif? De fait je ne me souviens pas avoir lu de commentaires à ce sujet dans les anciens midrashim. Par contre on trouve ensuite un commentaire donnant mille (elef) interprétations du petit alef du premier mot du Lévitique.
- S'il n'y avait pas une tradition bien ancrée (sinon encrée) concernant ces lettres spéciales, comment expliquer qu'on les retrouve, avec diverses variantes, dans toute la diaspora?
  Affaire à suivre...

Voici l'essentiel, et je me permets d'ajouter que, si une puissance supérieure maîtrisait à ce point le cours de l'histoire, Elle se serait montrée plus bienveillante en empêchant les nazis d'accéder au pouvoir, évitant des millions de morts, notamment parmi Son peuple élu. Je repense aux 10 plaies qui ont accablé les Egyptiens afin que l'histoire en soit plus frappante, Dieu ayant endurci le coeur de Pharaon pour qu'il ne puisse céder avant la 10e plaie, la mort de tous les premiers-nés de son peuple.
Si la discussion métaphysique n'est pas mon fort, il me semble moins indécent d'étudier l'affaire Pourim 1946 dans l'optique de la synchronicité, ce qui permet d'envisager des coïncidences que je n'ai vues relevées nulle part.
- Il est remarquable (en français du moins) que ce qui selon les témoignages fut un CRI, Pourim 1946, fît référence au livre d'ESTHER, car CRI-ESTHER est l'exacte anagramme de STREICHER.
- Streicher désigne en allemand un joueur d'un instrument à cordes, plus exactement d'un instrument à archet, Streichinstrument, un quintette à cordes étant un Streichquintett. Il existe des oeuvres pour double quintette, et il m'est venu qu'on pourrait appeler cette formation "décuor" ou "décor", à la suite des septuor et octuor existants. Streicher aurait donc fait partie d'un dé-cor voué à la cor-de, similairement à l'inversion syllabique uq-bar/bar-uq, ou au jeu cunéiforme 11/70. Le français connaît en fait le mot "dixtuor".
- Streicher est passé à la corde en 7e position, parmi les 10 condamnés, ce qui le fait correspondre au 7e fils d'Haman mentionné, Parmashta. Le petit shin de Parmashta fait partie de la combinaison 707 et correspond précisément à l'initiale de Streicher (st se prononce cht en début de mot). Dans la Bible de Berlin le taw qui suit est aussi petit, et une note indique que le resh du même nom est petit selon une autre tradition, ainsi le phénomène concerne les trois lettres resh-shin-taw (פרמשתא), successives dans l'alphabet hébreu et ancêtres de nos R-S-T, les 3 premières lettres de STReicher.

D'autres coïncidences touchent plus directement ma recherche, ainsi, alors que j'ignorais tout de cette affaire Streicher en écrivant mon dernier billet, ou il était question du verbe to BOW, "courber", et du Grand mystère du BOW, il se trouve que BOW, dans son acception "coup d'archet", correspond à l'allemand STREICH, ainsi la nouvelle His last bow devient Der letzte Streich en allemand.
A propos du dernier billet, Paul Halter m'a confirmé que son personnage Ronald Bowers était bien un hommage à son ami Roland Lacourbe, et que j'étais le premier à l'avoir communiqué.
Je remarque encore que j'avais construit ce dernier billet selon un parallèle avec Ginger Rogers et Fred Astaire, ce qui m'avait après coup permis de relier le mystère du BOW, de Zangwill (= ginger) à Roland LACOURBE, et Astaire est de même étymologie que Esther/Ishtar; c'est l'astre, l'étoile, mais c'est aussi une désignation orientale du myrte, autre nom d'Esther (Hadassah), un condiment comme le gingembre.

C'est donc grâce à Perec, né un 14 adar, que j'avais été amené à rapprocher les 10+1 hamanites des 10+1 nazis, ce qui m'a donc fait découvrir il y a quelques jours cette affaire des petites lettres. Or sa famille s'appelait Peretz avant son arrivée en France, mot hébreu signifiant "brèche", et l'une des rares anomalies bibliques du type "petite lettre" concerne le tzade du mot peretz dans le verset Job 16,14 :
Il fait une brèche en moi, brèche sur brèche; il court sur moi comme un homme fort.
Cette traduction Darby est la plus proche du verset hébreu, où la racine peretz apparaît 3 fois dans les 5 premiers mots. Il est à noter que :
- En 2007 un certain Johann Perez a lancé une soumission pour financer le film Pourim 1946, sur l'affaire de la prédiction biblique. Si le projet semble en plan, Perez est probablement une autre forme du nom Peretz.
- La fête de Pourim a lieu en fait le 14 adar dans les perazot, les villes "ouvertes", et le 15 adar dans les villes fortifiées. Le mot vient de la racine paraz, "ouvrir", proche parente de peretz.
- Perec indiquait dans W ou le souvenir d'enfance que le nom peretz signifiait "trou" en hébreu et "poivre" en russe. J'avais oublié ce dernier point qui fait coïncidence avec les histoires de condiments, gingembre et myrte, et le "trou" fait lien avec le billet pair-pair où le signe "trous" venu d'ailleurs était entré en résonance avec le pervers pepper au centre de mes préoccupations.

Selon une perspective jungienne, la constellation de coïncidences autour de cette affaire de pendus pourrait indiquer l'activation d'un archétype. Au cours d'une conversation à ce sujet avec dp, nous avons évoqué Judas, finalement le principal des 12 apôtres, qui s'est pendu après avoir rempli son indispensable tâche, et elle a ouvert la piste du tarot, dont le 12e arcane est le Pendu.
Il est remarquable que l'arcane soit souvent représenté la tête en bas, et je suis particulièrement frappé par ce tarot Dodal, où l'inversion touche aussi le nombre XII, écrit de droite à gauche, comme en hébreu, IIX. Ceci rappelle l'inversion sur les nombres 11 et 70, de plus exprimée en akkadien par l'expression elis ana saplis, "le haut vers le bas", témoignant d'une ancienne écriture cunéiforme verticale.
Et il y a cetteHélas le Seuil m'a informé il y a 15 jours que la plupart des exemplaires étaient partis au pilon orthographe "PANDU", me rappelant que ma page baruq concernait d'abord mon roman Sous les pans du bizarre, fondé sur une série de coïncidences concernant les 12 mois du calendrier romain.
Il me semble frappant que l'histoire d'Esther s'étende sur presque exactement une année, Ce LEPEN du tarot flamand est réjouissant, sachant que DU signifie noir en breton, et que le Pendu du tarot pourrait être identifié à Odin, devenu borgne pendant son initiation.du 13 du premier mois au 13 du douzième mois, et qu'il y soit question de 12 pendaisons, puisque le gibet a d'abord été érigé pour Mardochée, alors qu'il sera utilisé pour Haman et ses 10 fils.
Il est remarquable que le procès de Nuremberg se soit aussi déroulé sur 12 mois, du 14 novembre 45 au 1er octobre 46, le jour du verdict où 12 accusés ont été condamnés à être pendus, dont l'un était jugé par contumace. En prenant en compte la date des exécutions le 16 octobre, la correspondance est encore saisissante avec le livre d'Esther qui s'achève le 15 adar, pareillement 11 mois et 2 jours après son commencement.
Il me semble encore devoir rappeler que ce sont les Babyloniens qui sont à l'origine du zodiaque, des 12 constellations "pendues" dans le ciel...
Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.

5.5.09

Paul & Fred

Paul et Fred, donc, en écho à un film de Fellini, ou Vargas et Halter, pour respecter la préséance féminine, mais il s'agit d'étudier le parallélisme entre les oeuvres de Fred Vargas et de Paul Halter, où l'on verra que c'est le plus souvent Paul qui a précédé Fred.
Qu'il soit bien clair qu'il n'est pas question de supposer qu'un de ces auteurs se soit inspiré des livres de l'autre. Bien au contraire je pense que, dans les cas les plus précis, la connaissance d'une inspiration voisine déjà publiée aurait conduit un auteur à chercher une autre idée.
Mais voyons nos héros, qui ont moins d'un an de différence, Paul étant né en juin 56, Fred en juin 57. Leurs débuts dans le polar ont été pratiquement les mêmes, avec pour une fois la préséance à Fred dont le premier roman, Les jeux de l'amour et de la mort, a obtenu en 86 le prix du festival de Cognac, prix que Paul décrochera l'an suivant pour son second roman, La quatrième porte.
Je remarquais ici la récurrence chez Fred des criminels prénommés ROLAND, ou d'une anagramme ARNOLD ou LORAND, ou d'une autre forme de ces prénoms. J'admettais encore les pseudonymes utilisés par l'assassin, mais ces diverses libertés ne permettent pas d'imputer au seul hasard le fait que, sur les 12 romans publiés par Fred, 8 répondent à ces critères, 3 ROLAND tels quels, 3 ARNOLD (2 Arnold et 1 Arnaud), 2 LORAND (Lorenzo et Lawrence).
C'est d'ailleurs si péremptoire que je supposais que c'était un tic inconscient de Fred, qui aurait eu un problème avec un Roland, mais trêve de suppositions, il est cette fois aisé de démontrer, à partir des deux premiers romans de Paul, que celui-ci est éminemment concerné par un Roland, à savoir Roland Lacourbe, lequel a publié plusieurs compilations d'histoires de chambres closes, et que ses hommages passent par l'anagramme. C'est ainsi que son premier roman publié, La quatrième porte, est dédié à Roland Lacourbe, et que le coupable en est un écrivain de polars nommé Ronald Bowers, RONALD anagramme de ROLAND, et BOW signifie "courber" en anglais. On trouvera ici une analyse de l'oeuvre de Paul par Roland.
Paul adule à ce point John Dickson Carr qu'il aurait souhaité poursuivre les enquêtes de son détective principal, le Dr Gideon Fell, ce qui ne lui fut pas permis. Aussi son héros récurrent est-il le Dr Alan Twist, qui apparaît dès son premier roman écrit en 1985, La malédiction de Barberousse. Peut-être TWIST, "tordre", a-t-il aussi été choisi en référence à LACOURBE, mais il semble significatif que le Dr Twist, devant se rendre à Haguenau (le pays de Paul), en profite pour aller voir son ami Arnold à Mulhouse.
Peut-être Paul a-t-il proposé ce roman au prix Cognac en 1986, où c'est donc Fred qui a été élue pour une histoire où le meurtrier se nomme James ARNOLD Gaylor.
Note du 18 juin : J'ai appris dans la préface de Roland Lacourbe au tome I de l'intégrale Paul Halter que Paul avait effectivement proposé La malédiction de Barberousse au concours de Cognac 86, et que son roman était arrivé second après celui de Fred. Par ailleurs Paul a confirmé que Ronald Bowers dissimulait bien "Roland Lacourbe", ce que je semble être le premier à avoir vu, car il l'avait caché au principal intéressé.

Les deux premiers romans de nos auteurs ont connu des destins remarquablement similaires. L'un a donc obtenu le prix Cognac, l'autre a connu une publication tardive. Ainsi La malédiction de Barberousse n'est paru au Masque qu'en 1995, une fois Paul devenu un auteur confirmé de la maison, tandis que Ceux qui vont mourir te saluent (dont le coupable est Lorenzo Vitelli), refusé par le Masque en 1987, n'est paru qu'en 1994 lorsque Fred a trouvé un nouvel éditeur, Viviane Hamy.
Si je ne suis pas certain que La malédiction de Barberousse fasse allusion à Roland Lacourbe, toujours est-il qu'il apparaît un "Arnold" dans le premier roman de chacun de nos auteurs, et une anagramme (directe ou dérivée) de "Roland" dans le second.

Avant d'aborder les thèmes communs aux deux auteurs, je me dois de préciser que, si j'ai une connaissance acceptable des 12 romans de Fred, je n'ai lu "que" les 30 premiers romans de Paul, l'ayant délaissé depuis 2005, et n'ai relu que certains de ses romans pour cette étude. S'il n'est pas franchement étonnant de trouver des thématiques communes chez deux auteurs utilisant la veine fantastique, il l'est plus de trouver assez systématiquement chez Paul des "plagiats par anticipation" des thèmes caractéristiques de Fred, mais passons à l'examen de détail, révélant d'autres curiosités.

L'accession de Fred au titre de "Reine du polar français" est venue avec L'homme à l'envers (1999), exploitant le thème du loup-garou. Paul a publié en 1990 la nouvelle La nuit du loup, rééditée en recueil en 2000, où pareillement plusieurs meurtres sont attribués au légendaire loup-garou. Si une explication policière est donnée, liée à l'adultère comme chez Fred, un "renversement" final original relance l'hypothèse fantastique.

Le triomphe de Fred a été Pars vite et reviens tard (2001), exploitant un thème plutôt original qu'elle connaissait particulièrement, puisque sous sa casquette d'archéozoologue elle est spécialisée dans la peste. Il s'agit donc d'une prétendue épidémie de peste, avec des cadavres en présentant les prétendus symptômes, alors que les victimes ont été tout bonnement étranglées, les noircissures de leurs visages étant de grossières applications de charbon de bois.
Dans La septième hypothèse (1991), Paul imaginait des "médecins de la peste", habillés à l'ancienne, venir dans une pension de famille de la Londres actuelle et en repartir avec un locataire offrant d'inquiétants symptômes. On le retrouve mort peu après, mais étripé, et ses prétendus symptômes, bubons et paupières noires, n'étaient qu'un grossier maquillage...
Ce n'est que le début de ce roman foisonnant, dont un autre épisode essentiel est un pastiche de Sleuth, de Mankiewicz, Le limier en français, or on sait que le pseudo de Fred vient de Maria Vargas, personnage d'un autre film de Mankiewicz, La comtesse aux pieds nus.
Paul semble à ce point aduler Sleuth qu'il a utilisé les noms des acteurs originaux, Laurence Olivier et Michael Caine, pour forger le nom du principal personnage, Oliver Caine, de son dernier roman, Les meurtres de la salamandre.
Paul semble même avoir prévu que Caine reprendrait en 2007 le rôle interprété par son aîné Olivier en 1972, un auteur de romans policiers qui, dans La pestième hypothèse (tentante contrepesterie), a la manie de jouer avec des billes de verre comme le commandant du Caine (Bogart dans Ouragan sur le Caine) à l'origine du pseudo de Maurice Micklewhite.

Le tueur au trident de Sous les vents de Neptune (2004) m'avait déjà été l'occasion de rapprocher Fred et Paul, qui a aussi doublement utilisé le trident comme arme du crime dans Le géant de pierre (1998). Il s'y ajoutait la coïncidence remarquable que la dernière résidence connue du tueur au trident était un château proche de Haguenau, où est né et vit Paul Halter.
Ce m'était encore l'occasion d'assimiler le trident de Neptune à la foudre de Jupiter et au marteau de Thor, le dieu du ciel nordique, proche de Jupiter.

La récente découverte que le prénom Marcus était identique au latin marcus, "marteau", CI MERLIN CRIMINELm'a fait reprendre Sans feu ni lieu (1997), où c'est Saint Marc, l'un des trois "évangélistes" menant l'enquête aux côtés de "l'Allemand", qui identifie le tueur, Paul Merlin, et l'empêche de commettre un quatrième meurtre parisien. Or un merlin est aussi un marteau.
J'avais noté dans mes relectures récentes de Paul L'image trouble (1995), où la maison des personnages principaux est encadrée par deux voisins, nommés Charles Hamer et Merlin, ce Merlin n'étant autre que le Dr Twist, sur la piste d'un tueur en série... qui pourrait bien être ce Charles Hamer, car l'intrigue dans le présent est entremêlée à un récit parallèle avec des situations et personnages similaires, tel l'inquiétant Charles Haarman, pouvant évoquer Fritz Haarmann, le Boucher de Hanovre, qui dans les années 20 rentabilisait sa pulsion criminelle en recyclant la viande de ses nombreuses victimes (à remarquer que Fritz est le diminutif de Friedrich, comme Fred est celui de Frédérique).
Une stèle a été érigée à la mémoire des 27 victimes connues de Haarmann, dont voici les 5 premières. J'y remarque un Fritz en second, suivi d'un Roland, puis d'un Wilhelm (soit Guillaume, or le super tueur de Fred est Roland Guillaumond, devenu le juge Honoré Guillaume Fulgence).

Paul Merlin avait encore en projet deux crimes inspirés par El Desdichado, rue de la Reine-Blanche, et rue de la Victoire. Lorsqu'il n'enquête pas à Shapwick sous l'identité de Merlin, le Dr Twist réside ordinairement à Londres, Victoria street.

J'avais hésité à mentionner les 44 chapitres (ou sections) de Sans feu ni lieu, en relation avec les 4 et 44 récurrents chez Fred. Je m'en étais abstenu car les autres nombres de chapitres chez Fred ne m'évoquent rien d'immédiat, mais ces 44 chapitres (ou sections) deviennent significatifs par rapport à L'image trouble qui compte 1 prologue, 42 chapitres, et 1 épilogue, soit en tout 44 sections.
Je remarquais de multiples quaternités jungiennes (3+1) dans Sans feu ni lieu, et m'aperçois qu'on y trouve aussi des quintessences (4+1). Ainsi le point fort des 44 chapitres est la dernière tentative de Merlin, qui s'en prend à Julie Lacaize, 5 rue de la Comète, alors qu'elle est en train de regarder Les 55 jours de Pékin.
Saint Marc a identifié Merlin à cause de sa manie de jouer aux osselets, or le jeu comporte 5 pièces, 4 identiques et une, reconnaissable par exemple par une couleur différente, appelée le Père; une paire de paires et un père...
Paul Merlin est démasqué par les "évangélistes", Mathias, Marc, Lucien,
...et Louis : à propos d'autres Paul, j'avais souligné la désignation de l'apôtre en tant que cinquième évangéliste.

C'est ce même Saint Marc, l'historien médiéviste Marc Vandoosler, qui renseigne Adamsberg sur la peste dans Pars vite et reviens tard, or le chef des médecins de la peste dans La septième hypothèse se présente comme Dr Marcus.

Synchronicité exemplaire le 27 avril où j'ai repris L'image trouble pour son Merlin-marteau : les premiers mots du roman sont Le 27 avril 1959, de très bonne heure, (...)
50 ans plus tôt exactement, et le 25 avril, la Saint-Marc, je découvrais la signification du marcus latin. Le lendemain 26 avril j'écrivais le billet précédent sur la pyramide de Pei, apprenant le lendemain 27 qu'il était natif du 26 avril, sur une page où il était prénommé Leoh, m'évoquant le lion de Saint Marc, erreur présente depuis plus de 7 mois mais rectifiée le soir même...

Les thèmes des deux derniers Fred, la recette de la vie éternelle (2006) et le vampirisme (2008), peuvent se retrouver dans un seul Paul, L'arbre aux doigts tordus (1996). Le village de Lightwood a connu au 16e siècle une affaire de vampirisme, soldée par la pendaison d'une femme accusée d'avoir égorgé des enfants pour en boire le sang. L'arbre près duquel elle a été enterrée serait maudit, et impliqué dans une étrange affaire au 19e siècle (l'idée que les vampires contaminent les arbres autour de leurs tombes est aussi présente dans Un lieu incertain). Au milieu du 20e siècle une autre série d'égorgements d'enfants dans la région déroute le Dr Twist; il se laisse berner par le criminel qui a forgé de multiples indices incriminant un coupable idéal; si les fausses pistes sont un lieu commun du polar, il l'est moins que le motif supposé du faux coupable soit le même que celui du vrai tueur du Lieu incertain, la mission sacrée d'éliminer les héritiers du pouvoir maléfique du vampire originel.
En fait le vrai coupable se sert du sang de ses victimes pour confectionner un élixir de jouvence, comme l'assassin de Dans les bois éternels. Cet élixir a un autre pouvoir miraculeux, effectif dans le roman. De même Fred suggère une certaine réalité des croyances magiques des criminels de ses derniers romans.
Si le tueur du Lieu incertain, descendant d'Arnold Paole, se nomme Paul de Josselin, la 4e victime de L'arbre aux doigts tordus est le jeune Fred Hutson.
Juste avant la publication de Un lieu incertain (juin 08) est paru en mars un roman à part de Paul, dans la collection Club Van Helsing. Si cette collection doit son nom à l'éternel adversaire de Dracula, La nuit du Minotaure n'a rien à voir avec les vampires, mais j'y remarque le nom de son héros, Roland Bayard. Un vrai Roland enfin, et Josselin de Cordon aurait été un ancêtre du chevalier sans peur et sans reproche...
Note d'octobre 2011 : Je viens de relire Les Larmes de Sibyl (2005), où Ruth Kendall, comme Ariane Lagarde de Dans les bois éternels (2006), s'applique pour assurer sa survie à réaliser un rituel magique issu d'un vieux grimoire.
Dans les deux romans la récolte des bizarres ingrédients nécessaires à cette mise en oeuvre est un ressort important, mais elle est au premier plan chez Fred alors que ce n'est qu'un élément d'une intrigue foisonnante chez Paul, où Ruth est manipulée par son mari Oliver. Je mentionnais plus haut le personnage Oliver Caine, référence évidente aux noms des deux acteurs du Limier de Mankiewicz, mais les deux prénoms des véritables coupables des romans de Fred et Paul forment ensemble, inopinément bien que le choix du prénom Ariane soit rarement innocent, Ariane Oliver évoquant Ariadne Oliver, personnage récurrent dans l'oeuvre d'Agatha Christie, sa propre auto-parodie.


Voilà. Je pourrais donner d'autres exemples de parallélismes entre les oeuvres de Fred et Paul, qui n'ajouteraient rien, chaque cas semblant témoigner d'une inspiration exploitée dans le style propre à chaque auteur.
Je suis bien en peine d'en tirer quoi que ce soit de définitif, car, si je connais bien les oeuvres de Fred et de Paul, il y a quantité d'autres polardeux dont je ne suis pas régulièrement les parutions. Je constate de plus qu'il ne suffit pas de lire, encore faut-il se rappeler de ce qu'on a lu, ainsi j'ai été le premier surpris en redécouvrant le faux mort de la peste de La septième hypothèse, alors que j'avais applaudi à l'originalité de Pars vite et reviens tard.
Il m'arrive de me demander si tous mes intérêts Carl, mort en juin 61 (FUMER TUE), 5 ans après la naissance de Paul, 4 ans après celle de Fredlittéraires passés n'avaient pas quelque chose à voir avec ma quête actuelle autour de la quaternité jungienne. Je ne peux encore que constater que, si je crois découvrir des choses remarquables dans ce que je connais, je suis bien incapable de préjuger de ce qu'il y aurait à découvrir dans ce que je ne connais pas. La connaissance partagée de mes recherches pourra aider à une appréciation objective.
Je rappelle que ma découverte essentielle du 4/4/44 est liée, plus ou moins directement, aux romans minoens de Paul.
Incidemment, j'ai suivi de près l'oeuvre de Paul à cause de coïncidences avec l'oeuvre d'Ellery Queen, éminemment associée depuis peu à Jung, mais c'est une autre histoire...

J'ai par ailleurs associé Fred Audoin (vrai nom de Vargas) à Fred Dannay (vrai nom de Queen), et des coïncidences onomastiques réunissent étrangement les premiers romans publiés de Vargas et de Halter à la première aventure d'Ellery Queen made in France, le pastiche de Thomas Narcejac Le mystère des ballons rouges (paru en 1947 dans Nouvelles confidences dans ma nuit).
Dans cette nouvelle le banquier Jonathan Mallory développe une machination extrêmement complexe pour se venger du policier qui a abattu jadis un truand dont personne ne savait qu'il était son frère. Après 4 morts balisées par des ballons rouges (et non des cercles bleus), une embrouille cause la mort du secrétaire de Mallory, Bob Seldon, qui avait démasqué son identité, mais qui est abattu par le flic Fred (!) qui protégeait Mallory.
Dans Les jeux de l'amour et de la mort, prix Cognac 86, Robert Saldon est tué par James Arnold Gaylor parce qu'il l'avait reconnu, James Arnold ayant usurpé l'identité de son frère sculpteur R.S. Gaylor.
Bob étant le diminutif de Robert, il n'y a donc qu'une lettre de différence entre ces Saldon et Seldon tués parce qu'ils ont reconnu un frère, mais l'attention portée au nom ROBERT SALDON m'en a fait envisager l'anagramme RONALD BOTERS, correspondant encore à une lettre près à RONALD BOWERS, l'assassin de La quatrième porte, prix Cognac 87. Mieux, le nom complet de la victime de Fred (Vargas) est Robert Henry Saldon, or Ronald Bowers est la nouvelle identité de Henry White, qui s'imaginait volontiers être la réincarnation de Harry Houdini, pseudo de Ehrich Weiss (= white = "blanc").
Pour la petite histoire, c'est grâce à ce roman de Paul Halter que j'ai pu reconnaître en 1996 ce nom Ehrich Weiss parmi la petite liste des pseudonymes utilisés par un personnage de La vie mode d'emploi, Perec ayant choisi les identités réelles de personnes mieux connues par leurs pseudos. Un des 6 autres noms de cette liste est Fred Dannay.
Jonathan Mallory, Ballon rouge, ces noms ont tourné dans ma tête jusqu'à une évidence. La nouvelle de Narcejac (pseudo de Pierre Ayraud) ressemble étrangement à celle de Borges, La mort et la boussole, écrite en 42, que je n'imagine pas avoir été connue de Narcejac avant l'été 45 où il a écrit son pastiche de Queen (qu'on peut lire aussi dans Usurpation d'identité, plus facile à trouver). Le recueil Fictions n'a été traduit en français qu'en 57, et, s'il a pu exister des versions accessibles antérieures de La mort et la boussole, la guerre n'était pas le moment idéal pour la circulation de la littérature.
Chez Borges, 3 crimes semblent former une série et en appeler un 4e et dernier, pour épeler entièrement le Tétragramme JHVH. Le flic Erik Lönnrot est présent au moment voulu à l'endroit voulu pour sauver la dernière victime, mais découvre alors qu'il s'agissait d'un piège tendu par le truand Red Scharlach pour venger son frère arrêté par Lönnrot.
Chez Narcejac pastichant Queen, 3 crimes sont commis, dans des chambres où des ballons rouges étaient attachés aux fenêtres. Après l'apparition du 4e ballon chez Mallory, la police veille, et Mallory s'arrange pour que le flic qui avait abattu son frère soit la victime de sa machination. C'est déjà pas mal, mais :
- Si Narcejac a peut-être pensé à Fred Dannay en baptisant Fred un autre flic de l'histoire, connaissait-il son réel nom de naissance, Daniel Nathan ?
- Le prénom Jonathan attribué au criminel est en hébreu un nom théophore, contenant le Tétragramme sous forme abrégée, signifiant "JHVH a donné".
- Narcejac pouvait-il savoir que Dannay/Nathan écrirait en 63 L'adversaire, où 4 meurtres épelleraient également les lettres du Tétragramme, pour venger un nommé Nathaniel, en hébreu "donné par Dieu".
- Après avoir vu Ehrich Weiss devenir White, et avoir déjà pensé à Erik le Rouge devant le nom Erik Lönnrot (rot "rouge", et red Scharlach, "rouge écarlate"), je m'émerveille du rouge présent dans le titre de la nouvelle, et de la "traduction" de "bal-LON ROUGE" en "bal-LON ROT" !
- Narcejac pouvait-il savoir en nommant son amateur de ballons rouges MALLORY qu'un futur succès du cinéma serait Le ballon rouge, d'Albert LAMORIsse, dont l'interprète principal est son fils, Pascal LAMORIsse ?
- C'est loin d'être tout, La mort et la boussole étant depuis longtemps pour moi un texte essentiel aux multiples résonances, ainsi le Marc = marteau, d'acquisition récente, me rappelle que la première victime de ces meurtres selon les lettres du Tétragramme est un rabbin prénommé Marcel, autre forme de Marc, alors que le marteau hébreu, MPC, équivaut selon la transposition alphabétique atbash aux lettres JVH du Tétragramme...

Encore un petit quelque chose. Je n'étais pas sûr de la pertinence de lier "Paul et Fred" à "Ginger et Fred", et voici que ce 7 mai dp me demande comment se dit ginger, "gingembre", en hébreu. Coup d'oeil au dico, et c'est zangwil, or le premier mystère de chambre close digne de ce nom est un roman anglais d'Israël Zangwill, The Big Bow Mystery (1891).
Ainsi, alors que Paul Halter est le nouveau maître du mystère en chambre close, je le reliais sans le savoir via Ginger au premier grand nom du genre.
Si le Bow est dans le roman de Zangwill le nom d'un quartier londonien, c'est toujours le verbe "courber" déjà évoqué,Cet immeuble dansant construit à Prague par Frank Gehry a été surnommé FRED ET GINGER ainsi Roland Lacourbe, qui a bien entendu étudié ce Grand mystère du Bow, par exemple dans 99 chambres closes, était-il prédestiné à devenir un spécialiste du genre (l'immeuble aux courbes hardies ci-contre, construit à Prague par Frank Gehry, a été surnommé FRED ET GINGER).
Ginger, "gingembre", désigne encore familièrement en anglais les roux, bien que ce soit pour une autre raison que Virginia McMath est devenue Ginger Rogers. Il est encore remarquable que le roman exemplaire du genre soit Le mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux (1907).
Je rappelle que le criminel de Leroux est le policier Frédéric Larsan, couramment nommé Fred dans le roman. Ceci jette un nouvel éclairage sur le titre du premier roman de Paul, La malédiction de Barberousse (il s'agit de l'empereur Frédéric Barberousse).