21.10.09

François Truffaut (1932-2015)

C'est aujourd'hui le 25e anniversaire de la mort de Truffaut. J'ai pris conscience récemment que j'avais décelé dans sa vie un schéma pouvant être rapproché de celui découvert dans la vie de Jung, et un approfondissement m'a mené à d'autres résonances.
J'ai consacré sur mon autre blog de nombreux billets au tic de Truffaut de citer le nombre 813 dans ses films. Selon ses rares confidences à ce sujet ce serait en hommage au roman "813" de Maurice Leblanc, mais ceci n'explique pas grand-chose, et j'ai repéré de formidables coïncidences autour de ce tic :
- Pour acquérir les droits exorbitants de Une belle fille comme moi, Truffaut a joué pour la seule fois de sa vie au tiercé en 1971, risquant 50 000 F sur la combinaison 8-1-3. Léon Zitrone lui apprit qu'il eût fallu jouer 4-5-1, alors qu'il avait fait dire 5 ans plus tôt à Julie Christie dans Fahrenheit 451 "Why 4-5-1 rather than 8-1-3 ?"- Dans 3 cas des citations 813 uniques surviennent assez exactement aux 8 treizièmes de la durée du film.
- J'ai rapproché ceci de la date 8/13, le 13 août à l'anglaise, et un maître à filmer de Truffaut a été Hitchcock, né un 8/13. Truffaut a également publié des livres, le plus fameux étant ses entretiens avec Hitchcock, qui ont débuté le 13 août 1962, 63e anniversaire du cinéaste.
- Le 13 août 1983 a associé tragiquement la sortie du dernier film de Truffaut et les premiers symptômes de la maladie qui allait l'emporter un an plus tard; j'y reviendrai en détail.

Il m'est donc venu que j'avais associé ceci aux dates de Truffaut, 1932-1984, qui a donc vécu 52 ans, 4 fois 13, entre 32 et 84, 4 fois 8 et 21 (8+13). Or j'ai trouvé également ces nombres 32-52-84 associés au 4/4/44, dans ce billet :
Il y 3 personnes présentes sur la page 4/4/44 de la BD présentée dans mon avant-dernier billet :
JUNG = 52 = 13x4
EMMA = 32 = 8x4 ou
EMMA JUNG = 84 = 21x4
HAEMMERLI = 84 = 21x4
Les valeurs de ces noms correspondent à une suite additive d'or, 32-52-84, quadruples des termes 8-13-21 de la suite de Fibonacci, étroitement associée au nombre d'or.

Je ne crois pas avoir pensé jusqu'ici que les 8/13es de la vie de Truffaut sont tombés en 1964, l'année où est apparu le premier 813 répertorié, dans La peau douce. Si je l'avais vu, j'ai peut-être omis d'en parler car le film a été tourné fin 63, mais l'oeuvre d'un créateur n'a d'impact réel que lorsqu'elle est accessible au public, qui fut en l'occurrence d'abord celui du festival de Cannes en mai 64.
Une peut-être meilleure raison pour éviter de hasarder des hypothèses audacieuses sur l'ensemble des 813 chez Truffaut est qu'il subsiste des incertitudes, notamment sur ses oeuvres antérieures à 64 où aucun 813 n'a été recensé, mais ce tic était un secret du réalisateur, et il faut par exemple un oeil averti (sinon inverti) pour se désintéresser de Deneuve se préparant à recevoir son amant dans La sirène du Mississipi, et voir un fugace 813 inscrit au-dessus du lit :
Il faut être encore plus attentif pour s'apercevoir que la combinaison du coffre ouvert par Mata-Hari agent H21 (1965) est inscrite sur la clé du coffre :
A remarquer qu'il ne s'agit plus seulement de 813, mais d'une double séquence des chiffres fatidiques, qu'on retrouve d'ailleurs à l'identique dans Fahrenheit 451 (1966), où les principaux personnages habitent le bloc 813, le héros Montag étant identifié par le numéro 381 813.
Ceci amène à se demander si d'autres formes de 813 pouvaient convenir à Truffaut, et un exemple extrême m'a été signalé récemment par Michel Rougier, qui a lu mes chroniques sur Blogruz.
Dans Vivement dimanche !, Fanny Ardant consulte un journal. Au cinéma, le spectateur n'a le temps que de déchiffrer le titre de l'entrefilet, mais un arrêt sur image révèle ce texte incohérent : En y regardant de plus près, cette liste est composée successivement de :
- 8 noms de rues
- 3 noms de quais
- 1 nom de boulevard
soit 8-3-1, les chiffres fatidiques... Il serait outrecuidant d'affirmer que c'est pur hasard, et si ça ne l'est pas il faudrait analyser chaque plan de Truffaut à la recherche de 8 trucs, 3 machins, 1 bidule...
Quoi qu'il en soit, il est au moins certain que les noms des voies ne sont pas choisis au petit bonheur, c'étaient toutes des voies du centre de La Ciotat en 1983, deux d'entre elles ayant été renommées depuis. La Ciotat n'est pas là non plus par hasard, car on l'appelle la cité du cinéma, parce que c'est là que les frères Lumière ont inventé leur procédé, tourné leurs premiers films, et c'est là encore qu'a été ouverte en 1899 la première salle de cinéma du monde, l'Eden-Théâtre, sise précisément au bout du boulevard A. France, le dernier nom de l'énigmatique entrefilet.
S'il est besoin d'une confirmation, l'enquête de Barbara Becker (Fanny Ardant) la mène à la caissière d'un petit cinéma, l'Eden, Paule Delbecq qui sera la 4e victime de l'assassin.

Ceci confère à Vivement dimanche !, petit film sans prétention disait Truffaut, une certaine profondeur, sinon une valeur testamentaire, alors que Truffaut avait de multiples projets en cours quand la maladie l'a frappé. Ainsi son ultime film, ultime par la force des choses, contient-il cet hommage caché à la naissance du 7e art (le 7e jour !), et ceci s'ajoute aux multiples curiosités décelées à son propos :
- En octobre 1982 est paru Le mystère de la chambre 813, première traduction d'une novelette de William Irish intitulée originellement Mystery in room 913. J'explique ici mes doutes sur une relation directe entre ce "813" et le cinéma de Truffaut, bien qu'il ait adapté deux romans de Irish, dont La Sirène du Mississipi avec le 813 sur le mur de la chambre de Deneuve. De même ce "813", paru juste avant le tournage de Vivement dimanche !, n'a probablement pas été connu de Truffaut, et il n'en avait nul besoin pour imaginer la chambre 813 de l'hôtel Garibaldi, ayant déjà eu recours à une chambre 813 dans 3 films antérieurs (La peau douce, Adèle H, Le dernier métro).
- Ce retour de Truffaut à un thème hitchcockien, un innocent suspecté de terribles crimes, est une adaptation d'un roman de Charles Williams, né un 13 août (ou 8/13, comme Hitchcock). L'idée de cette adaptation venait essentiellement de la collaboratrice de Truffaut.
- Le film est sorti en 83, et il se passe dans le 83, à Hyères, où il a effectivement été tourné fin 82.
- Truffaut disait que Vivement dimanche ! était un "film du samedi soir", or il est sorti le mercredi 10 août 83, et ses premiers spectateurs du samedi soir l'ont donc vu le 13 août, le 8/13.
- cette année 1983 était la première depuis 1938 à contenir les chiffres 1-3-8.
- le jour de la sortie du film, Truffaut avait vécu 18813 jours pleins.
- Truffaut n'aurait pu comme il l'aimait aller se mêler incognito aux spectateurs de son film, ce samedi 8/13 idéalement, car la veille au soir il sentit "comme un pétard lui éclater dans la tête", premier symptôme de la tumeur au cerveau qui l'emporterait 14 mois plus tard. Le premier plan de Vivement dimanche ! montre un homme recevant un coup de fusil en pleine tête...

Après avoir passé une mauvaise nuit, Truffaut consulta le lendemain un médecin qui lui diagnostiqua une sinusite et lui prescrivit de l'aspirine...
Or, au matin de ce samedi 13 août 1983, Truffaut, né le 6 février 1932 à 6 h du matin, avait vécu 18816 jours, et 18816 c'est 3 fois 6272, l'unité du schéma mirifique de la vie de Jung qui a vécu 4 x 6272 jours avant le 4/4/44, et 6272 jours ensuite.
D'où un rêve. S'il est douteux qu'un meilleur diagnostic eût alors permis une action curative efficace sur cette terrible maladie, l'histoire donne de multiples exemples de guérisons de cas jugés fatals par les autorités médicales, et Truffaut aurait pu rencontrer ce jour si particulier son docteur Haemmerli, un véritable guérisseur plutôt qu'un tâcheron de la profession. La magie du jour aurait eu le même impact que le 4/4/44 pour Jung, et ce 8/13 correspondrait aux 8/13es de la vie de Truffaut, qui vivrait jusqu'au 24 octobre 2015... Il n'aurait tourné à ce jour qu'une dizaine de nouveaux films, la reconnaissance mondiale de son art lui permettant de peaufiner des chefs-d'oeuvre, et de confirmer sa créativité dans d'autres domaines...
C'était un rêve... Si un rapprochement entre Truffaut et Jung ne trouve pas d'écho dans les documents de référence relatifs au cinéaste (de Baecque, Berre, Toubiana...), le motif de la quaternité-quintessence apparaît dans son oeuvre, de façon significative puisque Truffaut a tourné 5 polars, le 5e élément Vivement dimanche ! constituant un retour au genre après une éclipse de 11 ans.
Incidemment, les 5 romans originaux à l'origine des adaptations ont été réunis par Folio Policiers dans un coffret. La collection avait publié Vivement dimanche ! dès 1998, puis vinrent en bloc les 4 autres titres en 2001, le dernier selon le catalogue étant La mariée était en noir, de William Irish.
Or le roman comme le film content la vengeance en 5 épisodes de la mariée, à l'encontre des 5 responsables de la mort de son mari, avec, malgré un dénouement différent dans le film, une particularité remarquable du dernier épisode. Il y a d'ailleurs aussi 5 morts dans Vivement dimanche !, également répartis en 4+1 puisque le criminel responsable de 4 assassinats se suicide lorsqu'il est démasqué (Truffaut avait souhaité pour ce rôle son ami Serge Rousseau, le mari assassiné de La mariée..., mais il n'était pas disponible).
La mariée... est encore l'un des films de Truffaut où la citation 813 intervient aux 8/13es de la durée du film, comme en témoigne cette capture d'écran de mon logiciel, affichant le temps 1:03:13, alors que les 8/13es calculés sur la durée totale donneraient 1:03:37 :Essington ressemble beaucoup à ParisCeci ne donne qu'une idée de la possible adéquation car l'embarquement sur le vol 813 vient ensuite, et l'instant idéal est atteint au cours d'un plan où l'avion est visible.
Je remarquais que ce 813 aux 8/13es du film est souligné par la présence des nombres 8 et 13 l'encadrant en quelque sorte : la vengeresse appâte sa 2e victime, Coral, dans la loge 8 d'une salle de spectacles, et la dernière victime Fergus habite 13 rue de la Némésis (vengeance...)Coral-Fergus = 8-13, ces noms ont quelques assonances avec Carl Gustav...
Je remarquais encore que ces 8/13es correspondaient aux 3/5es de la mission que s'était assignée Julie Kohler. Au moment de l'annonce du vol 813, Jeanne Moreau était en train de ranger dans son sac le calepin sur lequel elle venait de rayer le nom de sa 3e victime.
3/5, 8/13, j'observais qu'il s'agit de rapports de nombres de Fibonacci consécutifs, en conséquence voisins, ce qui permet de hasarder une ultime pirouette. En substituant le rapport 3/5 à 8/13 dans l'équation rêvée de la vie de Truffaut autour du 13 août 1983, sa durée de vie idéale aurait été de 5 fois 6272 jours, comme Jung.
Ce jeu entièrement gratuit peut cependant trouver un écho dans les variations que Truffaut a apportées au roman de Irish. Chez celui-ci, la mariée exécute sans problèmes ses 4 premières cibles, mais la police parvient à comprendre le lien unissant les victimes et la piège lors de sa dernière tentative, qui échoue donc. Il y a quelques surprises dans le dénouement, reposant sur des coïncidences si inouïes qu'il me semble parfaitement justifié d'avoir ici "trahi" l'auteur.
Truffaut, avec son coscénariste Jean-Louis Richard, a imaginé une péripétie pour la 4e cible, Delvaux qui tenait l'arme ayant tué le mari de Julie : il est arrêté par la police au moment où la mariée s'apprête à le revolveriser. Elle exécute ensuite le dernier de la liste, Fergus, en laissant assez d'indices au 13 rue de la Némésis pour que la police remonte jusqu'à elle et l'arrête, sans comprendre les motifs de ses crimes. En prison, elle trouve un moyen pour tuer Delvaux...
Si Truffaut était ici revenu au scénario original, deux victimes auraient été épargnées, et peut-être deux tranches de vie lui auraient-elles été allouées, alors que le petit répit qu'il a accordé à Delvaux lui a peut-être valu ses 14 mois de sursis après le fatidique 8/13...
Très curieusement, car je n'imagine pas que la manie de Truffaut ait pu être poussée jusque à ce détail, la caméra suit quelques instants le panier à salade emmenant le malhonnête fourgueur de voitures volées André Delvaux, suivi par le taxi emprunté par Julie, et une des rares voitures dont on peut déchiffrer le numéro est immatriculée 3138 AD 94, les chiffres 13/8 suivis des initiales d'André Delvaux, lequel s'appelait évidemment autrement chez Irish (la dernière victime prévue est l'écrivain Holmes) ; à remarquer que le cinéaste belge avait été révélé l'an précédent par L'église Saint-Lambert (15ème) où André Delvaux a commis l'irréparableL'homme au crâne rasé (1966), et que Daniel Boulanger (plus écrivain et scénariste qu'acteur) interprétant cet homonyme est plutôt chauve (voir ci-contre).

Je rappelle que les calculs de dates envisagés peuvent être facilement vérifiés grâce à cette page permettant les conversions en jours juliens (qui n'a pas été programmée uniquement pour dater les crimes de Julie Kohler).

Note du 28/12 : Je viens de retrouver dans mes notes de lecture sur Le mystère de la chambre 813 que les enquêteurs s'intéressent aux locataires de la chambre à l'étage inférieur, des sino-américains qui se livrent épisodiquement à d'étranges rites. Ces locataires de la chambre 713, 813 dans le texte original, se nomment les Young.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, La plaque d'immatriculation de la voiture de Gérard Depardieu dans le film "La femme d'à côté" est 813.

blogruz a dit…

Grand merci !!!
...mais ce cas était déjà répertorié sur la page consacrée aux 813